Les fonctionnaires de l'administration sont «au service de l'Etat et de la société». Ils sont de ce fait tenus de se conformer «à la discipline» qui leur est «imposée». La loi est au-dessus de tout le monde et celui qui ne veut pas l'appliquer «n'a qu'à démissionner». C‘est le propos du président de la République, hier, à l'occasion de l'ouverture de l'année judiciaire 2008-2009. Et c'est dans l'écrit et non dans le prononcé. Pareil style direct, le chef de l'Etat n'en a jamais usé, semble-t-il. Parole conjoncturelle ? C'est en fait un message aux accents clairs à l'adresse de l'administration de manière globale, de ceux qui foulent aux pieds la loi, de ceux qui ne la font pas respecter. La non-application des décisions de justice évoquée dans le discours du Président n'est en réalité qu'une facette du carcan administratif. L'administration est pestiférée, parce qu'elle n'arrive pas à suivre le mouvement des réformes que l'Etat a engagées depuis plus d'une décennie, à porter au premier plan de ses priorités les préoccupations des citoyens. Elle en est encore à bricoler des offices, des collectivités… selon des méthodes passéistes. C'est, peut-être, de toutes les administrations, celle judiciaire, objet de critiques aujourd'hui, qui est maudite par le citoyen, quand bien même le discours institutionnel l'évoquerait, par moments, de manière édulcorée. Carte blanche est cependant donnée aux magistrats pour corriger la trajectoire. Tout en mettant en évidence les lenteurs constatées dans l'application par l'administration des décisions de justice dont il s'agit, le président de la République a en effet instruit les magistrats à poursuivre en justice les autorités administratives qui s'en rendent coupables. Est-ce un tournant dans le fonctionnement de l'administration ? Certains diront que le modèle sur lequel opère l'administration dans son ensemble est, avant tout, le produit d'une culture qui n'a pas réellement évolué dans la maison Algérie. Cette culture a ceci de particulier quelle est la même partout, ou presque, c'est-à-dire dans tout le corps administratif. Expliqué autrement, l'administrateur -un électron libre ou un maillon faible, c'est selon- refuse, en s'abritant derrière des paravents, d'appliquer ou de faire appliquer une loi, une note, une décision, une mesure, sans pour autant accepter de démissionner. Ce particularisme est-il le propre de l'Algérie ? Il y est, en tout cas, enraciné. On le trouve non seulement dans l'administration, tout court, mais également dans l'appareil productif et dans les structures économiques. C'est, toutes proportions gardées, ce particularisme «à usage interne» qui aura fait que les choses n'évoluent pas dans le bon sens. Conséquence, une transition économique qui s'étire dans le temps, une réforme de l'Etat dont les résultats se font attendre, et un divorce presque consommé entre l'administration et les citoyens. Y. S.