Savez-vous, bandes de passereaux siffleurs, quel lien y aurait-il entre le chardonneret «tiwawaty», un tilapia agressif et Amar Ezzahi, oui, vous avez bien lu, Amar Ezzahi, le dernier canari du châabi encore en vie ? Le rapport entre le chardonneret chanteur en mode «tiwawaty», le tilapia, cette carpe exotique si prisée des aquariophiles algériens et le chanteur de «El Maqnine ezzine», c'est «ouedkniss.com». Un site de petites annonces où on y va comme à la pêche de gros ou à la chasse à l'oiseau rare. Mes aïeux, quel bonheur de redécouvrir ce site du bon-vivre et du mieux-être algériens, avec une manière de dire, typiquement algérienne ! Sur le virtuel Ouedkniss.com, c'est une autre Algérie, bien réelle, qui exhale des parfums exotiques. Sur Ouedkniss.com, et nulle part ailleurs, on trouve, outre l'automobile, le téléphone portable, le multimédia, le bric-à-brac du bricoleur, les arts de la table, la déco et l'ameublement, bien d'autres sources de bonheur pour le chineur. Des livres, parfois rares, des plantes, des oiseaux de toutes races, des poissons cichlides du Malawi, des chiens de bons pédigrées, des vaches laitières, des rapaces diurnes et nocturnes et des répulsifs pour serpents ! Des écureuils kabyles, peut-être de la Petite ou de la Grande, allez savoir. Des cochons d'Inde, des pigeons pour tous les goûts des colombiculteurs. Et, piment sur le couscous, des hamsters et des poissons d'aquariums, avec les accessoires nécessaires, les plantes décoratives et les produits de traitement de l'eau et de soins pour les espèces. Un sacré bazar Ouedkniss.com où l'ont peut acheter des matelas gonflables, des fast-foods ambulants et tout l'attirail de l'apiculteur, mais pas seulement. On peut même tomber sur une annonce renversante, d'une truculence équivoque. Comme celle, sous le nom de code «mssam3î», un homme ou même une femme, propose : «J'ai un homme qui peut tout ce que vous voudrez, mais il mange et dorme trop. Livraison à domicile. Merci. 20 000 DA négociables.» Traite négrière en 2012 ? Difficile de sonder le mystère de cette annonce pimentée, il est vrai, bien rare. Plus communes, mais encore plus savoureuses, sont les annonces propres au chardonneret qui fleurent bon le mélange de cumin, de curcuma, de carvi et de cannelle. «Al-Maqnine ezzine», magnifié par Khouya El Baz et sublimé par Amar Ezzahi. Le Carduelis carduelis, gracieux passereau au plumage bariolé, au masque rouge et au gazouillis fluide, avec variations et modulations de fréquences. Et là, mes amis, que de l'amour ! On convoque même la philosophie du châabi. Tel cet annonceur anonyme qui dit «j'ai un vieux maknin de Khémis Miliana, khéloui». Le khéloui, cette mystérieuse alchimie de l'extase du mélomane algérois, qui succombe à l'envoûtement du châabi comme on goûterait à la magie du tarab arabe. Et encore cet autre éleveur qui vous propose son «Maqnine très bienne». Et un autre, son «chardonneret en bon état» ; un troisième, son chardonneret au «chant super, très propre, sans faute», qui chante juste. Ou encore un «chardonneret, chant mahboul» pour vous enchanter à la folie. Et un autre poète de vouloir vous vendre un «chardonneret cravaté» qui chante en modes «laglag tiwawaty», «gazret tiwawaty», «galoupe tiwawaty» et même un «tiwawaty foutisé», à vous foutre de la joie dans les oreilles et dans le cœur ! Puis, du chardonneret au canari. Et là, on siffle de plaisir avec un amateur qui veut céder «un mâle orange, très bon chanteur et coupleur sans pitié», mais dont «la femelle blanche n'est pas prête», sans que l'on sache pour autant si c'est pour le chant ou pour l'accouplement. Et tel autre propriétaire d'un canari satiné qui veut le vendre parce que «ébda iykhalatt fé éttssfar», manière poétique de dire que quand il chante, il s'emmêle les pinceaux ! Ensuite, d'un autre canari gloster corona de Médéa, qui «ne chante pas beaucoup, mais rahou djay». Traduire, un canari, apprenti-chanteur. Et, grain de beauté sur le bec du canari, le «tilapia agressif». Celui-là, c'est un petit poisson riche en vitamines et en Oméga 3, qui vient notamment du Mozambique. Les Algériens l'aiment suffisamment pour le mettre dans un aquarium, plutôt que dans une poêle à frire, comme ailleurs en Afrique. Et ça, c'est du «tiwawaty foutisé», à l'algérienne. N. K.