Après la réunion des pays donateurs en faveur de la Somalie, l'an dernier, il faudrait, peut-être, envisager une rencontre similaire pour porter secours au Yémen qui patauge dans la boue depuis des années. Ce petit pays du sud de la péninsule arabique éprouve d'énormes difficultés à endiguer la violence qui a compromis toute possibilité de développement social et économique de sa population. Tous les indicateurs sont au rouge et ce, depuis longtemps. La situation s'est davantage dégradée durant ces deux dernières années, en raison de l'entrée en jeu d'un nouvel acteur qui a profité de la crise politique de 2011/2012 pour s'installer dans le sud du pays. Il s'agit, en fait, des terroristes d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) qui ont implanté leur quartier général dans le sud séparatiste du Yémen. Son chef, le Yéménite Abou Basir Nasir al-Wuyashi, qui était l'ancien secrétaire personnel du défunt Oussama Ben Laden, le fondateur d'Al-Qaïda, tué, en mai 2010, au Pakistan, a profité de l'instabilité qui eut raison du président Saleh pour s'emparer de plusieurs ville du Sud. La proximité avec le voisin somalien lui a facilité l'acheminement des armes et le recrutement de nouveaux combattants parmi les extrémistes somaliens, eux, aussi, en guerre contre le gouvernement de transition de Mogadiscio, depuis dix ans. Al-Wuyashi cherche à rétablir le califat au Yémen et dans l'ensemble de la péninsule si les moyens lui permettraient d'arriver à ses fins. Le ressentiment éprouvé par les Yéménites du Sud envers les autorités de Sanaa a été une brèche pour le chef de l'Aqpa qui a trouvé un soutien parmi de nombreuses tribus dans les zones reculées où Sanaa avait failli à ses engagements et promesses d'apporter un minimum de commodités aux habitants locaux. Si l'armée yéménite a jugulé en partie la menace terroriste, sans véritablement l'anéantir, grâce, notamment, à l'aide des Etats-Unis, le problème d'Al-Qaïda n'a pas été définitivement réglé. Al-Qaïda constitue toujours une menace pour la stabilité du Yémen. Ses réseaux dormant attendent le moment propice pour déclencher une nouvelle offensive contre le gouvernement central à la recherche d'une solution consensuelle pour sortir de la crise politique et amorcer la transition, telle qu'elle a été prévue par le plan élaboré par l'Arabie saoudite, l'Onu, une partie de l'opposition et l'ancien président, Ali Abdallah Saleh. Or, cette transition peine à se faire en raison des rivalités existant au sommet d'une institution militaire divisée en deux clans dont un demeure fidèle au président déchu. De nombreux postes-clés demeurent entre les mains des fidèles et des proches de la famille Saleh. Ces derniers n'ont pas l'intention de céder à la pression, surtout qu'ils n'ont aucune garantie quant à d'éventuelles poursuites s'ils venaient à quitter leurs fonctions. Il est vrai que le problème ne se pose pas seulement à l'échelle des personnes, mais il demeure que le clan Saleh qui a gouverné pendant 32 ans n'aura pas de cadeaux s'il lâche les rênes du pouvoir en faveur de ceux qui avaient subi la dictature du père durant trois décennies. La venue d'un émissaire de l'Onu au Yémen, début juillet, ne semble pas avoir apporté les résultats escomptés pour opérer une transition en douceur et qui prenne en considération toutes les composantes sociales, politiques, ethniques et religieuses du peuple yéménite. L'émissaire onusien veut associer aussi bien les sunnites que les chiites et zaïdites (Nord), sans oublier les Sudistes dont une partie veut le retour à la période d'avant l'unification des Yémen (Sud et Nord) au début des années 1990. Mais les choses n'avancent pas comme désirées, on peut le penser, car la dislocation de la société yéménite, la primauté du système tribal, même au sommet de l'Etat, l'inexistence d'un tissu économique et industriel dans le pays et le manque de moyens, sont autant d'éléments qui contribuent à l'instabilité du Yémen qui n'est pas loin du cas de la Somalie, à quelque différence près. L. M.