«La bataille pour le pouvoir se joue autour de l'appareil judiciaire», titrait hier le quotidien cairote al-Watan, tandis que le journal Al-Chorouk sort en Une : «la lutte pour le pouvoir se joue dans les tribunaux.» La Haute cour constitutionnelle (HCC) égyptienne a contre-attaqué en suspendant le rétablissement du Parlement ordonné par le nouveau président Mohamed Morsi. Ce dernier se trouve ainsi engagé dans une bataille judiciaire inédite avec l'armée et la justice. L'Assemblée du peuple, dominée par les islamistes et dissoute mi-juin par la HCC, s'était réunie après un décret de Morsi ordonnant son rétablissement. Huit jours après sa prise de fonction, Morsi avait annulé par décret la décision invalidant le 14 juin le Parlement pour cause de vice dans la loi électorale. Les avocats du président Morsi ont immédiatement dénoncé une décision «politique», prédisant une complication de crise dans le pays. Des milliers de personnes se sont réunies sur l'emblématique place Tahrir, au Caire, pour manifester leur soutien à Morsi et scander des slogans hostiles à l'armée, accusée de tirer les ficelles. A l'ouverture de la session le président de la Chambre basse, Saad al-Katatni, des Frères musulmans, avait assuré que le Parlement n'enfreignait aucunement la loi en siégeant malgré l'interdiction qui le frappe. Pour lui le décret de Morsi «ne contredit ni ne contrevient» au premier jugement de la Haute Cour car ce dernier peut ne pas être appliqué immédiatement. Les députés des Frères musulmans et des salafistes, qui dominent l'Assemblée, étaient présents. Mais les élus d'autres partis, comme les libéraux, ont boycotté la session, certains qualifiant le décret du nouveau président de «coup d'Etat constitutionnel». Après la dissolution de l'Assemblée, le Conseil suprême des forces armées (Csfa) a récupéré le pouvoir législatif, créant une situation politique complexe en Egypte. Les derniers développements accentuent la crise, notamment après l'adoption par les militaires d'une «Déclaration constitutionnelle complémentaire» qui a affaibli la fonction présidentielle. Pour le célèbre écrivain égyptien Alaa al-Aswany le «message est clair: le président élu ne peut exercer le pouvoir sans les militaires». «La Cour constitutionnelle, dont les juges ont été désignés par Moubarak, ont suspendu le décret présidentiel et rétabli le décret du maréchal Tantaoui», commentera-t-il, ironique. «La Cour constitutionnelle gifle à son tour le président», note le quotidien al Wafd. Pour les détracteurs de Morsi le rétablissement du Parlement par le nouveau président «montre le peu de respect» qu'il montre pour la justice. Le blocage politique persiste en Egypte. M. B./Agences