Photo : Riad Par Noureddine Khelassi Entre la politique et la physique nucléaire, il peut y avoir des analogies et des inductions. Ces rapports autoriseraient la première à emprunter à la seconde un certain nombre de sens. L'allégorie atomique permet, par exemple, d'apprécier les deux mandats du président Abdelaziz Bouteflika et leur mise en perspective par rapport au troisième qui se profile. Imaginons alors le pouvoir algérien comme un réacteur nucléaire dont le cœur serait un pouvoir estimé réel, par rapport à un pouvoir qui serait, lui, délégué, donc périphérique et apparent. Et considérons aussi le fait que ce pouvoir, dans son ensemble, ait pu, jusqu'ici, fonctionner avec des forces centrifuges et des énergies centripètes. Supposons aussi que le président Abdelaziz Bouteflika, choisi et élu en 1999 dans des conditions archi-connues, a campé depuis son avènement à la tête de l'Etat un rôle d'accélérateur progressif et patient de particules. Cette posture est de nature à faciliter l'appréhension de la prochaine mandature et les angles et les signes sous laquelle le chef de l'Etat entend la placer. Secret de Polichinelle ou porte béante enfoncée, le chef de l'Etat a souvent exprimé sa volonté de n'être qu'un président de la République entier et de plein exercice. D'où sa fameuse théorie des «trois-quarts» qui en disait long sur le regard lucide qu'il projetait sur les conditions de son élection et la nature du régime algérien. La référence à la physique nucléaire donne à penser qu'il avait alors une grande idée du rapport de force en politique et, en même temps, une petite sur la symétrie des forces nucléaires. Il a dû donc réfléchir aux forces à plusieurs corps, précisément aux puissances à deux corps, sans rien ignorer du pouvoir de l'action et de l'interaction, surtout de l'interaction résiduelle. Il lui a fallu par conséquent expérimenter l'art du possible, éprouver le temps et les gens. Pour devenir au fil de l'exercice du pouvoir, dans les conditions politiques, sécuritaires, économiques et sociales du pays, la science d'accélération de particules. Sans oublier, bien sûr, la nature, la qualité et la disponibilité des élites étatiques qui interviennent, en amont et en aval, pour armer la prise de décision. Loin s'en faut, l'exercice n'était pas une sinécure. Depuis 1999, le président de la République a utilisé les énergies basses, moyennes et hautes, notamment, au cours du premier mandat, l'énergie de liaison pour les noyaux stables. Ensuite, comme le montre la physique atomique, la saturation des forces nucléaires. Plus tard, la désintégration des noyaux, réalisée par des particules électriquement accélérées, à l'aide d'un montage de redresseurs et de condensateurs. Il lui a fallu à ce propos accélérer des particules chargées, ces fameux électrons, protons, antiprotons, positons et ions, qui existent à tous les niveaux de l'Etat. La méthode : chaque fois que nécessaire, les faire entrer en collision non dommageable pour l'Etat et le pays, et faire émerger des particules élémentaires en s'appuyant parfois sur des particules fondamentales. Si ces particules élémentaires renvoient aux nouvelles élites affranchies des pesanteurs du «Système», mieux préparées aux servitudes de l'Etat et plus ouvertes à la modernité démocratique, les particules fondamentales, elles, rappellent plutôt ces insondables «équilibres stratégiques» que le Président a plus d'une fois évoqués. Dans son rôle d'accélérateur des particules, et à l'image d'un certain chef d'Etat européen qui savait donner du temps au temps, le président Abdelaziz Bouteflika a su utiliser ce que les physiciens de l'atome appellent le «vide de bonne qualité». Ce qui contraignait parfois à un nivellement des valeurs par le bas, et à la tolérance des forces inertielles dont l'action donnait cette impression que le régime faisait du surplace, annihilait les énergies et bloquait la société. Accélérateur de particules, le chef de l'Etat donne aujourd'hui l'impression d'avoir accéléré les contradictions du régime en les poussant jusqu'au bout de leur propre logique. Au point de renvoyer l'image forte d'un chef d'Etat aux «quatre-quarts», totalement libéré des contingences du rapport de force périodique, inscrit résolument dans une nouvelle logique d'édification d'un Etat moderne, où la Justice sera notamment le garant du droit souverain. Avant d'être un mandat de transition vers un meilleur démocratique commun, le troisième semble être, dans l'esprit du chef de l'Etat, celui du rétablissement définitif de la sécurité, de la consolidation de la paix civile, de l'unité nationale renforcée et de la défaite politique consommée de l'intégrisme, dont le «takfirisme» est la partie la plus visible. Mandat de la modification en profondeur de l'architecture institutionnelle et de l'organisation territoriale du pays, le prochain sera surtout celui de la réconciliation des Algériens entre eux, avec eux-mêmes, avec leurs valeurs culturelles et leur histoire immémoriale. Qu'il portera le sceau de la jeunesse et sera placé sous le signe du travail productif, des énergies et des alternatives de développement hors carcan des hydrocarbures. En un mot, qu'il apporte l'augure d'un modèle de développement durable algérien. Alors rêvons. La Constitution amendée ne l'interdit pas.