Le ministre malien de la Défense, le colonel Yamoussa Camara, a déclaré lundi dernier que «très peu de choses ont été faites» à propos de l'envoi possible par la Cédéao d'une force de 3 300 hommes au Mali. Cette déclaration a été faite à l'ouverture à Bamako d'une réunion des chefs d'état-major de la Cédéao destinée à «finaliser» les plans pour cette opération. Manifestement, les responsables militaires des pays membres de la Cédéao s'affairent à formuler une réponse concrète au Conseil de sécurité sur les modalités de déploiement d'une force dans le Nord Mali, dans l'espoir d'avoir un mandat de l'ONU pour passer à l'action. Tous les observateurs et analystes s'accordent sur l'incapacité objective de la Cédéao de mener une intervention dans le Nord Mali pour plusieurs raisons. En premier lieu, les pays de la Cédéao ne disposent pas des moyens logistiques nécessaires pour mener des opérations militaires contre des groupes armés qui risquent d'utiliser les populations comme bouclier. Cette éventualité est d'autant plus plausible que Ensar Eddine, le Mujao et Aqmi, occupent les villes et villages de l'Azawed. L'autre risque qui transparaît à travers le discours des responsables de la Cédéao, est de confondre entre Ensar Eddine, le Mujao et Aqmi d'une part et le Mnla et autres forces politico-militaires des populations touareg qui ont des revendications politiques, sociales et économiques. En second lieu, les armées de la Cédéao ne disposent d'aucune expérience dans la lutte antiterroriste notamment que les actions en perspective annoncent une guerre urbaine qui nécessite une parfaite maîtrise des techniques de la guérilla, du terrain et une parfaite connaissance de l'ennemi.Enfin, une intervention militaire classique dans le nord du Mali, risque d'aggraver la crise et la généraliser à tout le pays et même au-delà, ce qui constituerait une menace pour les pays frontaliers en contraignant les touareg de s'allier aux islamistes et aux terroristes.C'est à ce titre, que le Conseil de sécurité hésite à accorder un mandat à la Cédéao et que l'Algérie et la Mauritanie refusent de s'impliquer dans une démarche aussi suicidaire qu'aventureuse. La crise malienne est en premier lieu, une crise politique, de stabilité, de consensus national et de compromis entre toutes les forces politiques et toutes les ethnies composant la société malienne. Si les terroristes d'Aqmi et du Mujao ont réussi à s'implanter dans le nord du Mali et d'opérer à leur guise en prenant des otages, en pratiquant tous les trafics et en se déplaçant dans tout l'espace du nord à leur guise, c'est parce que les autorités maliennes ont laissé faire. Si les touareg ont radicalisé leur mouvement séculaire, ont pris des armes et ont proclamé l'indépendance de l'Azawed, c'est parce que l'Etat malien n'a pas respecté ses engagements contenus dans les accords d'Alger et de Tamanrasset. Le Mali de ATT et des putschistes a toujours appelé à une intervention militaire étrangère notamment occidentale, après avoir désespéré d'une intervention des pays du Champ et particulièrement celle de l'Algérie. La manœuvre est assez grossière pour que l'Algérie avale la couleuvre. ATT espérait sérieusement qu'une force des pays du Champ, dont celle de l'Algérie, allait intervenir dans le nord du Mali pour le débarrasser de l'opposition touareg sous couvert de la lutte antiterroriste. Cette éventualité aurait discrédité l'Algérie, d'une part pour avoir renié ses principes de non-ingérence dans les affaires internes d'un pays tiers et d'autre part, pour avoir trahi les touareg qui ont fait confiance à l'Algérie et ont signé avec les autorités maliennes deux accords pour le règlement de la crise politique qui a pris de l'ampleur au début des années quatre-vingt-dix et qui s'est exacerbée dans les années 2000. Enfin, l'Algérie est consciente que le nord du Mali et tout le Sahel est un terrain de lutte d'influence et d'une sorte de guerre froide entre la France et les Etats-unis. Toute intervention militaire, autre que celle du Mali, provoquerait le chaos dans toute la région avec l'effet domino que cela pourrait induire y compris sur le Maghreb et l'Afrique centrale. Si la France soutient l'initiative de la Cédéao et pourrait conforter la demande d'une intervention militaire, au Conseil de sécurité, les Etats-Unis préfèrent couper la poire en deux et proposent par le biais du général Carter Ham, haut commandant des forces armées américaines en Afrique (Africom), une solution politico-militaire. A. G.