Les lois, comme les hommes, vivent leur temps et laissent la place à d'autres. Elles évoluent pour s'adapter aux conjonctures et traduire les réalités propres à chaque époque et à chaque pays. Réviser, amender ou carrément inventer de nouvelles règles de jeu sont autant de signes de bonne santé dans n'importe quel système de gestion ou de gouvernance. C'est dans cette perspective que l'Algérie s'apprête à faire un lifting constitutionnel pour remédier aux incohérences et aux imperfections de son texte fondamental. Adoptée dans un contexte exceptionnel et douloureux, la Constitution de 1996 est en effet appelée à se mettre au diapason des nouveaux développements enregistrés –notamment depuis le début des années 2000- dans tous les secteurs de la vie nationale. Est-il besoin de rappeler que le document en question a été élaboré au moment où le pays faisait face à une déferlante terroriste sauvage sans précédent dans l'histoire de l'humanité tout entière. Tous les moyens et tous les appareils de l'Etat étaient, alors, mis au service exclusif de l'éradication de cette menace qui a failli ébranler les fondements de la République. La sécurité et la lutte multiforme contre les groupes terroristes étaient une priorité impérieuse pour la pérennité du pays. Toute l'attention a été accordée à cette priorité vitale, avec tout ce que cela suppose comme interdépendance des pouvoirs, collégialité des décisions et dilution de la responsabilité qui caractérisent toujours ce genre de situation. Il va sans dire que des questions comme les droits de l'Homme, la prise en charge des besoins socioculturels, la relance économique, entre autres urgences primordiales, étaient reléguées au second plan à cause de la gravité du drame vécu par tous les Algériens. En accédant au pouvoir en 1999, le président Bouteflika a indéniablement réussi le pari de restaurer la paix et de stabiliser la scène sociopolitique. La loi de concorde civile et celle complémentaire, appelée réconciliation nationale, ont effectivement remis le pays sur la voie du progrès social et de la croissance économique. C'est un constat admis par tous les observateurs, aussi bien nationaux qu'étrangers. La page de sang et de larmes a été définitivement tournée et les citoyens brandissent, désormais, de nouvelles préoccupations. L'emploi, le bien-être, les libertés et la modernisation de la vie publique constituent de nouveaux impératifs auxquels les institutions de l'Etat sont sommées de répondre. Les amendements ainsi introduits dans la loi fondamentale obéissent essentiellement à cet objectif largement partagé. La rééligibilité du président de la République sans limitation de mandats successifs qui, dans le fond, remet toute la décision aux électeurs, la séparation stricte des pouvoirs entre les différents leviers de l'Exécutif (surtout la levée de l'ambiguïté qui caractérise le rapport entre le Premier ministre et le chef de l'Etat), la citoyenneté et, spécialement, les droits politiques de la femme, la sauvegarde du patrimoine et des valeurs fondatrices de l'Etat algérien moderne comptent parmi les innovations inscrites pour accompagner le développement matériel et moral de la nation. En redonnant au premier magistrat du pays toutes ses prérogatives exécutives, les amendements proposés mettent fin au chevauchement préjudiciable des rôles de la présidence de la République et du gouvernement sans rien changer à l'équilibre des rapports existant avec les deux autres puissances que sont les pouvoirs législatif et judiciaire. Cette séparation stricte des missions met chaque puissance devant ses responsabilités avec l'obligation de résultat que cela suppose. Les acteurs sociopolitiques et les différents segments de la société civile réalisent aujourd'hui la nécessité d'un tel lifting pour répondre aux attentes nouvelles du peuple algérien. La quête de la prospérité et du développement pour tous, une profonde revendication populaire, devrait guider tous les choix institutionnels et ce, à tous les échelons de la hiérarchie étatique. Ce sont là les nouveaux défis qui se posent avec acuité à toutes les sphères de la décision. K. A.