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Focus sur la puissance de l'onde de choc de l'indépendance algérienne
Colloque international «1962, un monde» organisé à Oran
Publié dans La Tribune le 17 - 10 - 2012

Une soixantaine de conférenciers venus de différents continents ont participé au colloque international intitulé «1962, un monde» qui s'est déroulé du 14 au 16 octobre dernier à Oran. Organisé à l'occasion du 50e anniversaire de l'Indépendance, par le Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc) d'Oran, en partenariat avec la wilaya d'Oran et plusieurs institutions et organismes, à l'instar de la Fondation maison des sciences de l'Homme, le Centre d'études maghrébines en Algérie (Cema), l'Université d'histoire du temps présent du Cnrs de France et l'Université américaine «Johns Hopkins». Cette rencontre scientifique transdisciplinaire s'est proposée, à travers les multiples intervenants venus de plusieurs universités du pays et de l'étranger dont l'Angleterre, l'Australie, la Belgique, le Canada, les Etats-Unis d'Amérique, la France, la Hongrie, l'Irlande, l'Italie, le Japon, le Liban, la Suisse et la Tunisie, de «penser 1962 comme événement matriciel, narration, système de significations plurielles et antagonistes. Il s'agit d'identifier, à la croisée de plusieurs disciplines, les articulations, les circulations, les contradictions, les mises en abyme, les tensions, les tracés sensibles, les avatars de 1962 comme un monde», tel qu'il est souligné dans l'argumentaire de cet important évènement. La directrice du Crasc, Nouria Benghabrit-Remaoun, avait souligné dans la présentation de ce colloque que «1962 constitue à la fois une date, un symbole et le point de départ d'une dynamique nouvelle, marquant la participation de l'Algérie aux grands mouvements, changements et bouleversements historiques et politiques», rapporte l'APS. La directrice du Crasc a également observé que la fin de la période de la colonisation que 1962 exprime avec beaucoup de force, constitue une étape fondamentale dans l'histoire de l'humanité, «la colonisation ne pouvant être ni positive ni apporter au peuple colonisé un progrès qui serait empreint d'oppression et de soumission», soutient la chercheuse. L'universitaire a insisté sur le fait que ce colloque se veut une rencontre scientifique qui explore, cinquante ans après 1962, les legs de ce grand mouvement que furent les indépendances et son corollaire, l'invention d'un nouveau monde non seulement en Afrique mais dans le monde entier Pour sa part le directeur de recherche du Centre des études maghrébines en Algérie (Cema), Robert Parks, avait, à la même occasion, soulevé l'importance que revêtent les recherches universitaires sur l'impact de l'indépendance de l'Algérie, dans l'histoire contemporaine, en citant le cas du professeur Clément Henry, témoin de l'histoire de l'indépendance algérienne, déclaré persona non grata en France, et qui, rentré aux Etats-Unis, a fait une carrière politique et a formé toute une génération de jeunes chercheurs, estimés à 300 ayant fait des études sur l'Algérie considéré «comme pays révolutionnaire modèle dans sa lutte de libération (1954-1962)»

1962, une date, un symbole et un déclic de bouleversements mondiaux
Ainsi, durant trois jours, les universitaires, chercheurs et témoins de la Guerre de libération nationale, se sont penchés sur la question de la portée symbolique de la date de l'indépendance de l'Algérie. Il s'agissait de tenter de répondre aux questionnements posés dans l'argumentaire de ce colloque, à savoir : Quelle est l'étendue de l'évènement 1962 ? Quelles sont ses impasses, ses répétitions ? Quels sont sa temporalité, son héritage et son actualité ? Quelle résonnance a-t-il eu et continue-t-il à avoir à l'extérieur du couple franco-algérien, à l'échelle du Maghreb, de l'Afrique, du monde ? Dès lors, «se pencher sur les scènes multiples et différées, anachroniques ou contemporaines, suivre les bifurcations que 1962 produit, informe ou réagence, constitue le parti pris épistémologique et méthodologique de ce colloque, dont l'objectif est de tracer la généalogie de 1962 en tant que monde et d'en cartographier les points de contact et les superpositions».De ce fait, le colloque «1962, un monde» n'a pas seulement pour mission d'interroger ce moment de rupture qu'est l'année 1962 comme un «marqueur historique», mais également de s'intéresser à ses portées politique, philosophique, sociale, culturelle et artistique. C'est dans cet esprit qu'en plus des séances consacrées à l'aspect purement historico-politique, à l'instar des thématiques des généalogies révolutionnaires et celle du Maghreb à l'heure de l'indépendance algérienne, le colloque a aussi été l'occasion d'aborder plusieurs thématiques à l'instar des arts visuels et cinéma, le dialogue cinématographique algéro-latino-américain et le cinéma algérien, ainsi que la littérature, la chanson et la photo. Cette manifestation se veut un panorama de cette période de colonisation, et dans ce cadre, des activités culturelles ayant un rapport direct avec l'esprit des travaux du colloque sont prévues, dont un cycle cinéma à la cinémathèque d'Oran avec la projection de plusieurs films, dont le documentaire de William Klein sur le premier festival panafricain d'Alger de 1969.

L'espérance d'une Algérie libre et républicaine
L'un des premiers à avoir ouvert le bal des communications, à travers celle intitulée «1962, une espérance», est maître Ali Haroun, membre du Conseil national de la révolution algérienne (Cnra) et ancien responsable de la Fédération de France du FLN. Il a, de prime abord, tenu à rendre hommage à tous les étrangers qui ont épousé et milité activement en faveur de la cause nationale algérienne durant la Guerre de libération nationale. Il a rappelé à cet effet, que les deux textes fondateurs de la révolution algérienne, la proclamation du 1er Novembre 1954 et la plateforme de la Soummam (1956) mettent en exergue la place accordée aux diverses couches de la population algérienne dans la lutte armée et l'apport attendu des autres peuples pour soutenir cette cause juste. Il a ainsi mis en relief l'esprit d'ouverture du combat libérateur aux libéraux européens et aux minorités d'origine européenne, qu'elles soient juives ou chrétiennes, en soulignant que «le FLN n'a pas mené une guerre de religion, son combat s'inscrit en droite ligne d'une future Algérie libre et républicaine. La proclamation de Novembre et la plateforme de la Soummam ont combattu toute discrimination contre les minorités ethniques ou religieuses. Telle était l'espérance de 1962».
Il affirmera à ce sujet que le FLN ayant pu mobiliser les énergies nationales, des hommes d'église et des personnalités anticolonialistes, a réussi à conquérir d'autres forces de frappe particulièrement en France où il créa une véritable armée de l'ombre au sein même de l'armée coloniale précisant que les rangs de l'armée coloniale française avaient enregistré 15 000 cas d'insoumission. Face à l'assistance, il a aussi rappelé toutes les formes d'aides fournies au FLN un peu partout en Europe, suscitant un extraordinaire soutien du peuple algérien, avec la création de plusieurs réseaux en France, en Suisse, en Allemagne, en Belgique et en Suède, particulièrement. Mais également des soutiens en Amérique latine à l'instar du Brésil, du Chili et de l'Argentine. En rappelant que le soutien financier apporté à la Révolution algérienne à partir de l'Europe, il a précisé que «80% des besoins financiers du Gpra étaient assurés par les collectes et les cotisations effectuées en Europe». Dans le même contexte, Ali Haroun a souligné la sauvagerie et les exactions de l'appareil répressif français dans l'Hexagone même, soulignant que «sur les 250 000 Algériens vivant à l'époque en France, 50 000 d'entre eux ont été arrêtés durant la période allant de 1954 à 1962 et 11 600 l'ont été lors des évènements d'Octobre 1961.»

L'exemplarité de l'engagement patriotique de la femme algérienne
Lors de cette 1re journée du colloque, le rôle de la femme algérienne durant la guerre de libération a également été mis en exergue par le Professeur Trint Min-Ha, de l'Université de Berkeley en Californie qui a estimé que «le combat héroïque des femmes algériennes pour l'indépendance nationale et leur participation au processus de développement national sont sans équivalents dans le monde arabe».
Dans son intervention, elle a longuement commenté un article paru en 2006 dans le quotidien américain New-York Times, intitulé «Une révolution silencieuse faite par les algériennes». Dans cet article, il est fait état de la longue marche de la femme algérienne pour le recouvrement de ses droits après sa participation effective au combat libérateur. L'universitaire américaine souligne qu' «elles ont constitué une force majeure de changement social, et influé sur leur environnement dans ce mouvement de modernité». De facto, ces premières combattantes de la liberté ont ouvert le chemin à la femme algérienne moderne, illustré notamment par le fait qu'aujourd'hui 70% des avocats sont des femmes. Dans le même esprit, l'universitaire, Natalya Vince de l'University de Portsmouth en Angleterre, a dans son intervention, estimé que dans le processus d'auto-identification nationale, un rôle privilégié a été accordé à la figure de la femme. Parfois mère-éducatrice imprégnée de valeurs authentiques, parfois travailleuse dans une économie moderne, parfois femme libre arrachant ses droits, ces représentations diverses étaient le reflet des multiples «mondes» imaginés après 1962.

Les guerres mémorielles, au cœur de l'actualité
L'un des autres aspects de l'impact de la date symbolique du 5Jjuillet 1962, dont l'onde de choc est toujours active un demi-siècle après, ce sont les guerres mémorielles autour de l'Algérie coloniale. À ce sujet le chercheur français Eric Savarese, professeur de sciences politiques à l'Université de Nice a estimé que cet état de fait a donné lieu à des manipulations tendancieuses du récit historique en France en indiquant que «cela fait partie des nouvelles politiques de la mémoire où des élus essaient de faire modifier le champ politique à leur profit» rapporte l'APS.Eric Savarese, a mis ainsi en exergue le fait que les mobilisations politiques, cherchent à transformer des groupes d'individus épars (tels que les anciens rapatriés) en un groupe homogène, produisant un discours d'homogénéisation attestant que, finalement, les Pieds-noirs auraient aujourd'hui une existence entamée depuis le début de la colonisation. Il a déploré à ce sujet que la liberté prise avec le récit historique dans le but de faire croire que les Pieds-noirs seraient un peuple de pionniers bâtisseurs qui auraient créé l'Algérie. Précisant que «les Français d'Algérie ne reflètent pas la réalité sociologique de l'Algérie, sachant, que 80% d'entre eux n'étaient pas des paysans puisqu'ils vivaient plutôt dans les grandes villes». Dans le même sillage de pensée, il a déploré en outre d'autres initiatives prises en France, qui relèvent d'un processus qu'il a qualifié «d'amnésie libératrice», en évoquant notamment la promulgation de la loi du 23 février 2005 indemnisant les anciens activistes de l'OAS et la construction de monuments glorifiant la colonisation.Ces nouvelles politiques de la mémoire constituent des indicateurs de la plupart des transformations des rapports de force au sein de la droite républicaine, relevant à ce titre que la loi du 23 février 2005 a été votée par 14 députés, essentiellement issus du sud de la France où les rapatriés sont implantés et qui essaient de subvertir les règles du champ politique à leur profit. «L'histoire coloniale ne peut s'écrire indépendamment des interactions entre les individus, on ne peut faire comme si une population n'existait pas et que l'autre avait tout créé.»Face à cette réalité du terrain actuel, le chercheur de l'Université de Nice, a annoncé que ses travaux de recherche s'attèlent à prendre en considération ces données et seront désormais axés sur «les rencontres post-coloniales, à savoir entre les groupes d'individus qui se construisent dans les anciennes métropoles dans le cadre de leur participation aux guerres des mémoires algériennes et des élus ou des représentants qui essaient de faire modifier le champ politique à leur profit en s'appropriant un certain nombre de leurs discours».

L'art et la culture au service du rayonnement de la patrie
Dans un autre registre, la contribution d'artistes au rayonnement de la guerre de libération algérienne a également été mise en exergue lors de ce colloque international. À cet effet, l'historienne et chercheur associée au laboratoire Sedet de Paris, Anissa Bouayed, a évoqué le don par des artistes-peintres d'une centaine de toiles à l'Algérie en 1964, dédiées à la lutte algérienne pour l'indépendance. Ils étaient quelque 90 peintres dont une trentaine de latino-américains à l'exemple du Chilien Matta et les Cubains Wilfredo Lam et Jorge Camacho qui avaient offert à l'Algérie des œuvres confirmant l'aura de la guerre de libération nationale auprès des artistes. Elle a souligné à cet effet que : «Ce don de peintures s'inscrit dans une temporalité, celle d'un mouvement international qui avait une résonance particulière de la Révolution algérienne dans le monde et une place de choix dans la construction de la culture visuelle de l'Algérie après l'indépendance.» Toutefois, elle a aussi relevé le fait que ces œuvres ne sont pas visibles aujourd'hui pour le grand public et s'est interrogée sur le destin de ces toiles représentant divers courants picturaux en hommage à la Révolution algérienne. Pour sa part, Belkacem Boumedini, maître de conférences à l'Université de Mascara, chercheur associé au Crasc, a présenté une conférence intitulée : «1962, chanter l'Algérie indépendante» où il a souligné l'important rôle de la chanson en Algérie, durant la période coloniale et après l'indépendance, aux moments de crises et où l'Etat a besoin d'unir tous ses enfants. Il a illustré ces propos en citant les exemples des chansons révolutionnaires de Boumediene Warrad avant l'indépendance, les chansons de Warda el Jazaïria et de Saliha Essaghira. Il a ajouté qu'avec l'avènement de la chanson jeune, rappeurs, raïmen et autres, l'amour de la patrie va connaître un nouveau style de chansons, à l'instar de la chanson «Malgré tout bladi nabghik» de Baâziz et les fameux «one two three viva l'Algérie» des groupes de supporters du club algérois au moment du match Algérie-Egypte en 2010.Pour sa part, la conférencière Erika Nimis de l'Université du Québec a abordé l'histoire de «l'Algérie de 1962» à travers des photos d'archives. Elle citera, dans ce contexte, le formidable travail de Mohamed Kouaci, photographe du Gouvernement provisoire de la République algérienne (Gpra), qu'elle considère comme le père de la photo algérienne, en témoigne le fonds documentaire dont dispose sa famille et qui est complètement oublié.

L'impact géostratégique de la lutte de libération nationale
Concernant l'impact de la Guerre de libération nationale outre-Atlantique et précisément en Amérique latine, Paula Sombra de l'Université de Buenos Aires en Argentine et doctorante à l'Ehss à Paris a mis en exergue la fascination et l'admiration en Argentine pour la lutte algérienne pour son indépendance. Dans son intervention intitulée «l'Algérie, quel legs pour le militantisme politico-militaire argentin des années 60». Elle a indiqué que cette expérience avait un impact sur les mouvements politiques en Argentine au début des années 60, soulignant que le militantisme de Frantz Fanon était une conviction partagée par de nombreux jeunes dans cette période d'intensification révolutionnaire. Ainsi, elle a expliqué que l'équation indépendance-liberté en Argentine était une lutte pour une justice pour tous, qui n'avait pas le même but qu'en Algérie, soulignant que «La bataille d'Alger» était une référence de la lutte urbaine contre l'ennemi. Il est à noter que les travaux de la deuxième journée du colloque ont été marqués également par la présentation d'une communication intitulée «Révolutions africaines des années 1960» où le Dr Françoise Blum de l'Université de Paris a tenté d'analyser «1962» à la lumière de trois révolutions de l'Afrique francophone subsaharienne, à Madagascar, au Congo et au Sénégal. Elle a globalement souligné, que ces trois révolutions étaient en réalité des mouvements de résistance au parti unique inspirées de l'Algérie.
De même, les rapports stratégiques de l'Algérie en guerre, avec le reste du monde, notamment des pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique Latine ont été mis en exergue dans le cadre de ce colloque «1962, un monde». Dans cette optique, l'historien et sociologue de l'Université d'Oran, Hassan Remaoun, a fait une rétrospective de l'Algérie en guerre de libération nationale et de ces trois continents, à travers une lecture de l'organe d'information du FLN «El Moudjahid», et a estimé que «ces rapports ont permis de refaire la carte du monde». Il a rappelé, dans ce contexte, qu'une génération d'Algériens avait participé à cette nouvelle géopolitique mondiale, soulignant en substance que «l'Algérie a contribué à l'effondrement de l'empire colonial». Outre l'Afrique et les pays arabes qui constituaient une alliance naturelle, les Algériens, qui avaient su redonner une profondeur historique à leur juste cause qu'est l'indépendance, avaient réussi à créer des rapports stratégiques en Asie avec des pays importants comme la Chine, le Vietnam, la Corée du nord, le Japon, l'Inde et également en Amérique latine avec Cuba, le Chili, l'Argentine et le Brésil, a expliqué le professeur Remaoun.

L'amnésie des crimes coloniaux dévoilée au grand jour
Dans un autre domaine, les crimes coloniaux des essais nucléaires mis en exergue dans une communication intitulée :«Le zénith nucléaire :1962 comme apogée du colonialisme de guerre froide», Michael Broderick de l'Université Murdoch d'Australie et Robert Jacobs de l'Université d'Hiroshima ont observé qu' «à l'exception de l'ex-Urss, peu de pays ont effectué des essais nucléaires sur leur propre territoire», relevant ainsi qu'une grande partie des essais nucléaires dans le monde a été effectuée dans des pays colonisés, citant l'exemple de la France coloniale qui a fait ses expérimentations en Algérie sur des populations locales. Par ailleurs, les Etats ayant fait ces expérimentations «n'ont pas fait grand chose pour indemniser les populations locales», expliquant que leur projet de recherche milite pour «une étude des conséquences de ces essais sur les populations», notamment au Nevada (USA) où ont été faits des expériences. Les deux conférenciers ont également indiqué que les puissances nucléaires dont les Etats-Unis «ont de tout temps essayé de garder dans le secret les dégâts humains, sociaux et économiques et que les procédures judiciaires d'indemnisation étaient par conséquent biaisées». La problématique des archives était également l'un des sujets abordés dans le cadre de ce colloque à travers notamment la communication intitulée : «Les archives : héritage et «mémoricide» de Fouad Mustapha Soufi, historien au Crasc. L'historien algérien a estimé que «les archives nous renvoient l'image de ce que nous sommes et l'intérêt que nous leur portons reflète comme un miroir, l'intérêt que nous portons à notre passé et plus grave, nous fait interroger sur ce que nous allons transmettre aux générations actuelles et futures des traces de ce qui a été réalisé depuis 1962.» Ainsi, l'objet de sa communication est d'essayer de comprendre comment le passé tumultueux des archives pèse encore sur leur actualité. Comment l'approche bureaucratique est encore conditionnée par une vision des archives héritée du 19e siècle que nous avons reçu en héritage en 1961. Le temps de l'administration n'étant pas celui de la politique, la rupture de 1962 a-t-elle affecté le statut des archives ? Il s'agit aussi d'évaluer la question de l'héritage de la pratique archivistique et de la prise en charge des archives avant 1962, dès lors «peut-on assimiler le transfert des archives vers la France comme un «mémoricide», fort vilain mot qui dénonce, hélas, l'acte de priver une population de son droit à la mémoire ? Enfin le contentieux archivistique algéro-français, dont il sera inévitablement question, est, au niveau des relations internationales, le cas d'école qui ne semble avoir comme seule solution que la politique du fait accompli.»

Défricher le terrain pour réfléchir à l'événement majeur de 1962
Lors de la dernière journée du colloque, l'historien américain Todd Shepard, professeur d'histoire à l'Université Johns Hopkins (USA), spécialisé dans l'histoire de la France coloniale, a livré son opinion sur l'évolution des rapports entre l'Algérie et la France en répondant à des questions posées par l'APS en marge des travaux de la manifestation. Concernant la question portant sur l'apport que pourraient avoir les débats menés à Oran dans le cadre du colloque «1962, un monde» concernant les attentes des historiens et chercheurs sur l'approfondissement des questions autour de la révolution algérienne et ses impacts sur le monde, l'universitaire américain a estimé que «l'idéal, c'est de défricher le terrain. C'est-à-dire qu'on arrive à la possibilité d'approfondir les questions déjà présentes et qui restent importantes. Je pense aussi à la possibilité d'ouvrir d'autres thèmes qui n'ont pas été encore discutés, peut être moins fondamentaux à la compréhension de la révolution et de l'indépendance algérienne, mais qui sont riches parce que l'Algérie nous a enseigné énormément de choses, dans le monde.» Il a ajouté qu'«en tant qu'Américain et chercheur international, je dois dire que la Révolution et 1962 ont eu un énorme impact dans le monde, et on en apprend énormément de choses. Donc l'idée, c'est de lancer de nouveaux champs de discussion. Cela a déjà commencé, puisqu' il y a de nombreux chercheurs étrangers qui viennent en Algérie pour se documenter avec des sources algériennes. Cela permettra, à terme, d'aborder de nouvelles discussions, de nouvelles questions. Le colloque organisé à Oran est d'ailleurs marqué par nombre de communications qui se distinguent par la nouveauté des sujets, par rapport à ceux généralement abordés. Cela donne l'exemple de la possibilité de penser des choses qu'on ne pense pas généralement ensemble.» C'est dans cet esprit de continuer dans le sillage de ces travaux , dont les points de repères ont été posés par la richesse des interventions du colloque qui s'est déroulé à Oran sur l'initiative du Crasc, que sa directrice Nouria Benghabrit Remaoun, a annoncé lors du discours de clôture qu'un colloque international ayant pour thème «1962-2012 : World after algerian independance» (Le monde après l'indépendance algérienne) est prévu les 1er et 2 novembre prochains à l'Université John Hopkins de Baltimore aux Etats-Unis d'Amérique, auxquels, plusieurs chercheurs algériens prendront part. La directrice du Crasc a également fait savoir qu'un autre événement dédié à l'impact de l'indépendance algérienne sur le monde est programmé les 15 et 16 novembre en France sous le thème «Mémoires algériennes en transmission». Pour conclure, Nouria Benghabrit Remaoun a notamment mis l'accent sur «les répercussions de cette rencontre pour la recherche et une meilleure connaissance sur tout ce qui touche à la Révolution algérienne et à ses retombées dans le monde». Elle a souligné que les interventions proposées dans ce cadre par une soixantaine de chercheurs venus de différents continents ont permis de «constater, une fois de plus, que 1962 a constitué un événement majeur non seulement en Algérie, mais sous des aspects divers pour le monde entier». Ajoutant que «des recherches de grand intérêt continuent de nos jours encore, d'être menées par des universitaires et des chercheurs dans un grand nombre d'institutions universitaires et d'institutions culturelles à travers le monde».
S. A.


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