Mme Fatiha Benabou-Kirane est professeur de droit à l'Université d'Alger et spécialiste en droit parlementaire. Elle a édité, il y a trois ans, un livre en deux tomes intitulé Le droit parlementaire algérien. Ouvrage dans lequel elle dissèque et la Constitution algérienne et la législation y afférente. Elle a également formé, en droit constitutionnel comparé, plusieurs députés, pour le compte de l'Assemblée nationale, et même des journalistes. Sollicitée dans le cadre de notre travail, Mme Benabou nous a explicité le concept même de l'immunité parlementaire en ce qu'il contient comme irresponsabilité et inviolabilité. Deux concepts contenus dans les articles 109 et 110 de la loi suprême du pays, mais aussi dans les règlements intérieurs des deux Chambres du Parlement et le texte qui organise les relations entre elles et avec le gouvernement. Selon notre interlocutrice, l'article 109 consacre l'irresponsabilité du parlementaire pendant l'exercice de son mandat. C'est-à-dire qu'il ne peut aucunement être rendu responsable des propos qu'il tient ou des opinions qu'il émet à l'intérieur du Parlement. «Il peut même insulter un membre du gouvernement, faire dans l'outrage sans que pour autant il soit poursuivi. En revanche s'il tient les mêmes propos, adopte le même comportement une fois franchi le seuil du Parlement (APN ou Sénat), il est passible de poursuites si la victime décide de porter plainte contre lui.» Pour Mme Benabou-Kirane, la disposition constitutionnelle selon laquelle la levée de l'immunité parlementaire peut intervenir sur renoncement du concerné n'a pas de sens. «Puisque cette immunité ne lui appartient pas. Elle appartient plutôt à l'institution dont il est membre et c'est à ce titre que la loi la lui octroi. Par conséquent, si levée de l'immunité il doit y avoir, c'est à l'institution parlementaire de le faire.» Notre interlocutrice appuie ses propos par la doctrine universellement admise et que très peu de nos parlementaires ont saisi : «L'immunité de fond, donc l'irresponsabilité, est perpétuelle. Et tout le monde est d'accord sur ce principe.» Quant à l'inviolabilité disposée dans l'article 110 et en contradiction avec l'article précédent, Mme Benabou explique son introduction dans tous les parlements du monde par un précédent en Grande-Bretagne qui donnait le droit au roi d'invoquer l'outrage ou l'atteinte à son trône pour empêcher les gens d'arriver au Parlement. D'où l'introduction de l'immunité parlementaire avec ses deux variantes. Pour ce qui est de l'inviolabilité, il s'agit en fait de cas juridique, voire de cas procédural. Lorsqu'un député, nous indique la constitutionnaliste, est coupable d'un crime, y compris économique, on peut procéder à son arrestation et même à son incarcération. Toutefois, «le Parlement peut demander la suspension de la procédure jusqu'à la fin de son mandat». Cela étant, rien ne l'empêche d'accéder à la demande de la justice de lever l'immunité parlementaire. Le dossier est transmis au bureau qui n'a pas le droit de décider de la culpabilité ou pas de l'élu, mais examine le corps du délit. Sans plus. Idem pour la commission des affaires juridiques, laquelle devra en référer à la plénière qui se réunit à huis clos. Celle-ci peut décider de refuser la levée de l'immunité parlementaire, même si le corps du délit existe. D'aucun, jusqu'à présent n'a souvenance de ce genre de plénière. La raison ? Mme Benabou la résume tout simplement parl'esprit corporatiste des parlementaires. «Je ne vois pas pourquoi le Parlement ne lève pas l'immunité lorsqu'il y a un cas avéré. D'ailleurs, dans ce sens, il faut absolument revoir les dispositions du règlement intérieur et faire en sorte que les séances soient publiques. La presse s'en saisira et cela fera scandale. A ce moment, le Parlement sera dans l'obligation, sous la pression de l'opinion publique, de procéder à la levée de l'immunité parlementaire. C'est une question d'éthique politique.»