Dans le cadre de ce mini-dossier, nous avons approché quelques députés pour connaître leur point de vue sur le concept de l'immunité parlementaire et son utilisation. Pour Lakhdar Benkhellaf, du Parti de la justice et le développement, dirigé par Saäd Djaballah, l'immunité est comparée à une monture que certains parlementaires empruntent pour violer la loi. «Lorsque j'étais vice-président de l'APN, le bureau recevait beaucoup de rapports faisant état de plusieurs crimes et délits commis par certains députés. Ce sont des rapports qui sont restés au fond des tiroirs du bureau. Cela, en raison des mécanismes de levée de l'immunité parlementaire contenus dans le règlement intérieur de l'Assemblée» et M. Benkhellaf d'ajouter : «Depuis 1976, aucun parlementaire n'a été inquiété pendant sa mandature. Et lorsqu'il arrive à la fin du mandat, il y a prescription et la justice ne peut plus le poursuivre. Il faut donc revoir le règlement intérieur de l'APN et certaines dispositions de la Constitution. Fouzia Bensahnoun, chef du groupe parlementaire, par intérim, du Rassemblement national démocratique, estime que très peu de députés saisissent le sens de l'immunité parlementaire. «Celle-ci s'exprime à l'intérieur de l'hémicycle pour porter les préoccupations des citoyens ou dénoncer certains membres du gouvernement sans que pour autant l'élu soit inquiété ou poursuivi» et de poursuivre : «Pour certains députés, l'immunité parlementaire représente un visa pour piétiner les lois et par là même le peuple. Un député doit être un homme propre. Et puis, celui qui n'a pas de foin dans le ventre n'a pas à craindre le feu». L'immunité parlementaire est un concept universel introduit pour protéger les parlementaires des pressions «de l'Exécutif ou d'autres pouvoirs occultes», estime Me Bouchachi, ex-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme et non moins élu sur la liste du FFS à l'APN. Cela dit, «il ne faut pas abuser de ce statut», selon lui. «Les députés doivent être responsables moralement et politiquement et lever l'immunité parlementaire lorsqu'il y a crime ou délit. Parce qu'on ne peut pas se cacher derrière l'immunité pour violer les lois». Pour Mustapha Bouchachi, la Constitution évoque deux cas à travers ses articles 110 et 111. Le premier est relatif à la flagrance du délit, où le député peut y compris être incarcéré, jusqu'à ce que le bureau de l'assemblée demande sa libération tout en ne levant pas l'immunité parlementaire jusqu'à la fin du mandat. Notre interlocuteur explique que s'il y a dépôt de plainte au moment des faits, l'élu ne peut invoquer la prescription pour échapper aux poursuites. Tant que le dossier est pendant devant la justice, l'élu devra comparaître après la fin de son mandat. Au Parti des travailleurs, la levée de l'immunité parlementaire lorsqu'il y a délit ou crime devient un cheval de bataille. Son chef de groupe parlementaire, Djelloul Djoudi, a indiqué que l'immunité parlementaire est définie par l'article 109 de la Constitution qui dispose, notamment, que le député a le droit de s'exprimer à l'intérieur de l'hémicycle et il ne peut être poursuivi en raison de ses déclarations ou de l'expression de ses convictions. Il jouit de la couverture politique de ses électeurs et doit respecter son mandat. Mais là où le bat blesse, estime M. Djoudi, c'est lorsque ce même député est protégé de la même manière lorsqu'il s'agit de crimes ou de délits. «C'est inadmissible», affirme notre interlocuteur qui dénonce l'inviolabilité contenue dans l'article 110 de la Constitution en ce sens que cela n'entre pas dans le cadre des activités du parlementaire. «Cela signifie que le député peut commettre des crimes et des délits sans être poursuivi. Il devient alors au-dessus des lois». Par conséquent, il faut, selon le chef du groupe parlementaire du PT revoir cette disposition de la loi suprême du pays, comme il faudra amender le règlement intérieur qui requiert la majorité absolue pour la levée de l'immunité parlementaire (50+1). F. A