Photo : Sahel De notre envoyée spéciale à Béjaïa Wafia Sifouane
C'est avec un texte autobiographique que le comédien Rachid Akbal, jeune artiste algérien résidant à l'étranger, a fait son petit retour au pays. Le titre de sa production, qui est un monologue, est en soi indicateur : Baba la France. Présenté jeudi dernier sur les planches de la petite salle du théâtre de Béjaïa, le monologue fort poignant dont Akbal est l'auteur et le metteur en scène, relate la vie d'un homme qui a fui la misère noire qu'il vivait dans son pays pendant la guerre et est parti en France, en quête d'un travail qui lui permettrait de nourrir sa famille. C'est l'histoire commune dans laquelle toute une génération d'Algériens pourra se reconnaitre. Kaci, personnage interprété par le comédien, est un jeune homme qui vient de perdre son père, un père qui a beaucoup souffert pour lui offrir une vie décente dans l'un des milieux les plus austères, la France à l'ère coloniale. Conteur de formation, Rachid Akbal a fait valoir son savoir-faire en matière de narration. Doté d'un réel talent pour la description, l'artiste a bien fait de jouer seul sur scène, car son récit a habillé le monologue à merveille. Le monologue est un long récit poétique qui résonne comme une musique. Kaci accomplit un voyage à travers le temps pour faire découvrir au spectateur les différentes étapes ayant marqué la vie de son père et l'histoire de l'Algérie. De son enfance dans les montagnes de Kabylie à son arrivée en France, Kaci décortique minutieusement, mais avec une grande tendresse, le parcours de son père, un homme qui n'est pas ce héros des légendes et histoires, juste celui de son fils dont il marquera l'esprit. En faisant appel à la technique du flash-back, Kaci nous relate la vie difficile de son père en exil, un homme qui enchaînait les brigades dans les usines et multipliait les petits boulots jusqu'au jour où la Révolution est déclenchée. Là, il rejoint la Fédération de France du FLN et devient combattant pour la liberté et l'indépendance de son pays, que le colonisateur a tant et tant saigné qu'il a été obligé de le quitter. L'artiste fera un clin d'œil aux massacres du 17 Octobre 1961 et d'autres dates marquantes de l'histoire de la Guerre de libération menée sur le territoire français. Très à l'aise sur scène et maitrisant la langue de Molière, l'auteur, qui se présente comme un enfant de l'émigration, dira qu'il voulait donner une bonne image de sa génération. Rachid Akbal explique qu'il refuse de reproduire ce cliché de Beurs qui s'expriment mal. Il entend s'exprimer en bon Français pour dire à la France ses vérités historiques. Déjà auteur d'une pièce intitulée Ma mère l'Algérie, l'auteur et comédien voit dans sa dernière production un hommage à son père mais aussi à tous ceux qui ont contribué à la Guerre de libération de l'Algérie avec des actions héroïques sur le sol français, en terrain ennemi. Sans faux-semblant et très sincère, Baba la France reflète la tragédie d'un grand nombre d'Algériens, tragédie qui n'est pas connue dans tous ses détails, le tout joliment et affectueusement présenté par un conteur qui, pour un voyage dans l'Histoire, s'est fait comédien.