La capitale fait face à un énorme déficit en matière d'infrastructures sportives, notamment les stades de football, qui sont partagés actuellement, dans leur majorité, entre plusieurs clubs. Les catégories inférieures n'ont pratiquement plus droit de cité. La majorité des jeunes footballeurs, qui s'entraînent généralement sur un quart de terrain, ne connaissent les dimensions conventionnelles d'un terrain de football que le jour du match officiel. Cela concerne les jeunes footballeurs admis dans des clubs. Pour le reste, c'est-à-dire, les «non licenciés», la situation est encore plus pénible. En raison de la rareté du foncier immobilier, devant l'aggravation de la crise du logement, à titre d'exemple, les aires de jeu se font de plus en plus rares dans la capitale. Certaines communes de l'Algérois sont complètement dépourvues d'espaces où les jeunes peuvent organiser un match de football. Même la réglementation -dans le cadre de la construction de nouvelles cités d'habitation-, qui oblige les promoteurs à prévoir ces espaces de détente, n'est pas respectée. Souvent, de nouveaux «quartiers» émergeant du sol sont dépourvus d'espaces ou d'aires de jeu. Et celles qui existent déjà sont souvent laissées à l'abandon sans aucune réelle prise en charge. Si, à la fin de la décennie précédente, les autorités de wilaya ont consenti d'énormes efforts pour la prise en charge de ces lieux en y installant, entre autres, des «clôtures», après avoir réaménagé les pelouses, généralement en tuf. Seulement, par la suite, les autorités locales n'ont pas, dans leur majorité, suivi cette action. Par négligence, mauvaise gestion ou mauvaise foi dans certains cas, les jeunes se retrouvent forcés, les jours du week-end, à faire «la queue» afin d'avoir un «créneau» horaire pour pouvoir jouer un match de football. A l'ouest d'Alger, à Rais Hamidou comme à Aïn Benian, des jeunes se lèvent très tôt, le vendredi, quelquefois vers 6 ou 7 heures du matin, pour occuper un terrain avant les autres. «A chaque fois qu'on veut organiser un match, en général le vendredi, on charge quelqu'un de se lever tôt pour occuper le terrain en attendant que le reste du groupe arrive. On fait cela à tour de rôle», nous a indiqué Sofiane, un jeune lycéen de 16 ans, habitant Rais Hamidou, avant d'ajouter que, cela est valable seulement le week-end parce que pour le reste de la semaine, le stade est pratiquement vide durant la journée. Ces derniers jours, ces jeunes ont constaté que des travaux ont été entamés sur le petit terrain du centre-ville, sur lequel quelques personnes, plus âgées, s'adonnent également à des parties de pétanque. Du gravier et du sable ont été disposés sur le terrain. Plusieurs d'entre eux ont redouté que le terrain soit «détourné» de sa vocation. Mais heureusement, disent-ils, ce sont les autorités locales qui avaient décidé de refaire la clôture du stade. La crainte des jeunes et des habitants du quartier est motivée par le fait que ce terrain, situé en plein centre-ville, est très convoité. De ce fait, ils s'attendent tous qu'un jour il soit cédé à un particulier. L'autre terrain de proximité, situé dans ce même quartier, est un peu mieux aménagé. Peut-être parce qu'il est mitoyen à la salle omnisports de la ville. Comme il est clôturé, les jeunes y jouent souvent des matches à l'intérieur, entourés de supporters qui passent un moment à apprécier les «exploits» des uns et des autres. D'ailleurs, souvent, sur ces deux terrains qui se trouvent au centre-ville de Rais Hamidou, des tournois inter-quartiers drainant la grande foule sont organisés. «S'il n'y avait pas ces terrains, je ne sais pas où joueraient nos jeunes», a déclaré Malek, un sexagénaire, propriétaire d'un magasin d'alimentation générale se trouvant à proximité de l'un des deux terrains. Des stades de proximité menacés par le béton A Aïn Benian, la situation est tout autre. Depuis quelques mois, une polémique à éclaté dans la ville concernant l'un des terrains de proximité, fréquemment utilisé par les jeunes non licenciés, mais aussi par quelques clubs locaux. Il s'agit du «stade blanc» se trouvant juste à l'entrée de la commune, en venant d'Alger. Un terrain utilisé par les amoureux de la balle ronde depuis des décennies. La polémique autour de ce stade, réaménagé par la pose d'une clôture et d'un nouveau tuf, en 1995, à l'époque du gouvernorat du Grand Alger, dure depuis plusieurs années déjà. En effet, il y a deux ans, les jeunes des quartiers avoisinants ont été surpris de voir des engins commencer des travaux sur les lieux. Renseignement pris : apparemment, c'est un particulier qui aurait entrepris d'y réaliser une station d'essence. Et c'est en fait à ce moment-là que les habitants de Aïn Benian ont appris que le terrain avait été vendu en 1992. Les jeunes se sont mobilisés, ainsi que quelques associations sportives, environnementales et autres, ce qui a entraîné la suspension des travaux. Depuis, c'est un bras de fer qui oppose citoyens et propriétaire du terrain. Il y a quelques mois, ce dernier a déposé deux conteneurs au milieu du terrain, dans le but d'empêcher les jeunes de l'utiliser. Il y a quelques jours, ces deux conteneurs ont été déplacés sur le côté et le terrain a été réoccupé par des jeunes qui ont commencé à y jouer des matches. Cette affaire dure donc depuis plusieurs années. Un autre terrain est également en voie de disparaître à Aïn Benian. Il s'agit du stade «l'ilot», lequel, jadis, était même équipé de vestiaires et d'une petite tribune avant de se dégrader complètement. Mais malgré cela, la «pelouse» est toujours occupée par des sportifs. Seulement, les habitants des quartiers avoisinants ont commencé aussi à se mobiliser après avoir eu vent d'une probable procédure de vente au profit d'une entreprise (s'il n'a pas déjà été vendu). Pour le reste, il y a, d'autre part, quelques terrains qui sont toujours utilisés, comme le stade «Ghoulam», situé sur l'allée principale qui mène vers le port de plaisance d'El Djamila (ex-La Madrague). Ce dernier est également très sollicité par les jeunes de la ville, d'autant qu'il est assez bien aménagé avec, de plus, des dimensions presque réglementaires. Comme tous les autres, ce stade a été refait, avec du tuf, et clôturé en 1995. En dernier lieu, il faut dire qu'en dépit de tous les efforts fournis par les autorités locales qui ont commencé à être sensibles à cette question des aires de jeu, en en installant quelques-unes et en exigeant des promoteurs de les prévoir dans leurs projets de cités d'habitation, cela reste très en deçà des attentes, d'autant que, de l'autre côté, il y a toujours des responsables locaux laxistes quant au «détournement» de la vocation de ces terrains. Ces espaces sont d'autant plus importants qu'ils sont un moyen efficace d'empêcher au moins une frange de la jeunesse de sombrer dans la délinquance ou la drogue, à titre d'exemple, ou d'aider certains autres à se découvrir une vocation footballistique. Les autorités de wilaya devront redoubler d'effort pour protéger les espaces existants et en créer d'autres. A. A.