De notre correspondant à Tizi Ouzou, Malik Boumati
Un tour dans les villages et les hameaux reculés d'Algérie montre au premier coup d'œil toute l'étendue du manque d'activités de toutes natures. L'activité culturelle, considérée comme la moins vitale de toutes, est inexistante et, à la limite, les habitants ne s'y intéressent même pas, tant leurs préoccupations premières sont loin de ce qui est considéré comme un luxe superflu et inaccessible. Plus on s'éloigne de la capitale, moins on a de la culture. Plus on s'éloigne du chef-lieu de wilaya, moins on a de la culture. Plus on s'éloigne du chef-lieu de daïra, moins on a de la culture. C'est le signe indéniable que sans les pouvoirs publics, il ne peut y avoir de culture dans nos contrées et c'est l'un des maux qui rongent la culture dans notre pays ; l'omniprésence de l'Etat dans les activités culturelles et artistiques qui n'encourage pas les initiatives.Cet état de fait est en vigueur dans toutes les wilayas du pays, à l'exception, peut-être, de celle d'Alger qui concentre à elle seule l'essentiel des activités culturelles, majeures. Dans la wilaya de Tizi Ouzou, le chef-lieu continue à être la Mecque de la culture au détriment des localités et autres villages dépourvus d'infrastructures. Dans certaines localités, les maisons de jeunes et les centres culturels ne sont que des bâtisses sans intérêt qui ne servent pas les jeunes plus proches du désœuvrement et de la délinquance que de l'action culturelle. Les associations culturelles qui ont réussi à survivre à l'ouragan de disparition et d'hibernation se contentent d'attendre une fantomatique subvention pour s'offrir une petite activité, souvent orientée vers les chefs-lieux de daïras ou les centres urbains, proches de leurs villages. Pour leurs animateurs et responsables, l'organisation d'activités dans les villages passe inaperçue, notamment en raison de la non-médiatisation par la presse, d'où leur propension à privilégier les centres urbains ou, de préférence, selon la chance ou les connivences, au chef-lieu de wilaya où la maison de la culture Mouloud-Mammeri concentre toutes les activités.Depuis l'inauguration du théâtre régional Kateb-Yacine de Tizi Ouzou, les activités théâtrales ont, certes, libéré (ou se sont libérées de, c'est selon) la maison de la culture, mais cette dernière infrastructure continue de concentrer toutes les activités culturelles et artistiques au détriment des communes et des villages les plus éloignés de la wilaya. Lors de certaines manifestations, notamment le Festival arabo-africain de danse folklorique et le Festival culturel «Lire en fête», des activités sont initiées au niveau de certains chefs-lieux de daïras et de communes à l'initiative des organisateurs. Mais cela reste marginal dans le sens où les localités n'accueillent pas des activités de façon régulière et, surtout, continuent, en dehors de quelques fêtes locales, institutionnalisées avec beaucoup de peine comme celle du bijou d'At Yanni, la poterie de Maatkas, le tapis d'At Hichem, le couscous de Frikat. La dynamique culturelle, la seule à même de faire pénétrer la culture dans les villages les plus enclavés de la wilaya, n'est pas encore une réalité, malgré l'existence de plusieurs festivals et autres manifestations d'envergure au chef-lieu de wilaya.La meilleure façon de créer cette dynamique reste la libération de l'initiative en direction des associations culturelles et de jeunes. L'Etat seul ne peut pas tout faire, même si la volonté de bien faire existe. Il s'agit de libérer l'initiative et donner les moyens aux associations pour que leurs animateurs soient capables d'activer dans les villages et les localités éloignées. Les animateurs associatifs devraient, de leur côté, impliquer davantage les habitants des villages dans leurs activités pour qu'enfin la culture ait une base solide et devienne réellement populaire. En attendant, la culture reste au niveau des chefs-lieux, et plus on s'en éloigne, moins on la voit.