Photo : M. Hacène De notre correspondant à Tizi Ouzou, Malik Boumati
Deux années après l'inauguration du théâtre régional Kateb-Yacine de Tizi Ouzou, le 4e art continue de naviguer à vue, l'instabilité que connait cette institution semblant lui coller comme une malédiction. L'inauguration de ce joyau architectural, en novembre 2010, après des années de travaux de réhabilitation, avait provoqué un grand ouf ! de soulagement à Tizi Ouzou, notamment parmi les hommes de théâtre et le mouvement associatif qui voyaient en cette infrastructure une aubaine pour sortir le théâtre de l'amateurisme et des sketchs. Ce sentiment était partagé par tous les intervenants dans l'action culturelle de la wilaya qui voyaient venir une renaissance du 4e art, après avoir constaté le travail accompli, bien avant l'achèvement des travaux de réhabilitation, par l'équipe installée pour gérer l'institution sous la direction de Fouzia Aït El Hadj. Une équipe qui produisait déjà des pièces de théâtre et qui organisait des cycles de formation au profit des amateurs activant au sein des associations culturelles de la wilaya en vue, justement, de préparer le terrain à la nouvelle infrastructure.Aujourd'hui, après de nombreuses péripéties, le théâtre régional Kateb-Yacine de la ville des genêts est encore sans directeur. Le directeur de la culture, El Hadi Ould Ali, est l'ordonnateur depuis la fin de fonction signifiée, en juillet dernier, à l'ex-directeur, Smail Ameyar. Il se retrouve de ce fait premier responsable de trois institutions publiques, avec la direction de wilaya chargé de la culture et la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou. Cette instabilité que le théâtre régional vit depuis son inauguration n'est pas à même d'assurer la sérénité nécessaire au développement du 4e art à Tizi Ouzou. L'activité se poursuit, certes, mais sans le dynamisme introduit par les deux premiers directeurs de cette institution, en l'occurrence Fouzia Aït El Hadj et son successeur, Ahmed Khoudi. Pour le Cinquantenaire de l'indépendance, le ministère de la Culture a accordé au théâtre régional Kateb-Yacine la production de deux pièces de théâtre, Lamento pour Paris écrite par Hamma Meliani et mise en scène par Hocine Haroun, et Le Prix de la Liberté de Youcef Dirami, mise en scène par Lyès Mokrab. Les deux pièces ont été présentées à Tizi Ouzou et Lamento pour Paris a même été accueillie dans les wilayas de Skikda, Souk Ahras et Guelma, dans le cadre de la célébration du 50e anniversaire de l'indépendance et du 58e anniversaire du déclenchement de la Guerre de libération nationale.Aujourd'hui, la navigation à vue se poursuit pour cette infrastructure qui porte le nom d'un monstre du théâtre et de la littérature algérienne et personne n'est en mesure d'avancer une date pour un épilogue de la longue instabilité qui touche sa direction. Pourtant, l'aventure du théâtre régional Kateb-Yacine avait bien commencé avec l'équipe dirigée par Fouzia Aït El Hadj qui a dû jeter l'éponge quelques semaines seulement après l'inauguration de l'infrastructure et, ce, pour des raisons extra-culturelles. Son remplaçant, le metteur en scène Ahmed Khoudi, ancien directeur du théâtre régional de Béjaïa, ne restera pas quatre mois à la tête de cette institution, puisque il sera, lui aussi, relevé de ses fonctions pour «incompatibilité d'humeur». Ce dernier sera remplacé par un intérimaire, Smaïl Ameyar, un militant associatif, très actif mais sans qualification pour un tel poste, qui restera à la tête de l'institution plus d'une année avant qu'il soit, à son tour, mis fin à ses fonctions pour des raisons encore inconnues. Cela ne sert bien entendu pas l'activité théâtrale dans la wilaya de Tizi Ouzou qui continue à souffrir de cette instabilité qui nuit également à la primordiale question de formation qui en pâtit aussi.A Tizi Ouzou, il n'y a aucun risque de voir la disparition du théâtre puisqu'il y a encore des associations qui le maintiennent en vie vaille que vaille, à l'instar de l'association Amezgun N'Gerger qui organise même un festival annuel. Mais l'activité reste encore dominée par l'amateurisme en l'absence d'une véritable politique de formation en direction de nombreux comédiens prêts à se lancer dans l'aventure professionnelle. D'autant plus que le 4e art commence, même timidement, à retrouver un public à la faveur, justement, de la réhabilitation de l'infrastructure qui abrite le théâtre régional Kateb-Yacine. Ce sont donc les associations et le public qui maintiennent le théâtre en vie, mais jusqu'à quand peuvent-ils encore assurer ?