S'il y a quelques années, le Théâtre régional d'Oran, Abdelkader-Alloula, peinait à assurer une représentation par semaine pour les quelques amoureux des planches qui continuaient, malgré la désaffection quasi générale, de lutter pour le quatrième art, les choses ont radicalement changé et, aujourd'hui, l'établissement culturel a réussi le double pari d'assurer plusieurs représentations par semaine et de convaincre le large public de renouer avec le théâtre. Ce qui n'a pas été facile pour des responsables qui, il n'y a pas si longtemps, devaient faire face au manque cruel des moyens financiers, l'indifférence des pouvoirs publics et les changements comportementaux de la société induits, tout à la fois, par l'absence de promotion des activités culturelles depuis le début des années 1990 et l'avènement des chaînes de télévisions satellitaires et, plus récemment, d'Internet. Après avoir «raclé les fonds de tiroirs» pour garder le navire à flot, les responsables du théâtre semblent avoir été délivrés du problème en 2010, au lendemain de l'aide décidée par le ministère de la Culture. «Cette année, nous avons les moyens de produire pas moins de sept nouvelles pièces et même si nous accusons un sérieux déficit en ressources humaines, les hommes et femmes de théâtre n'étant pas légion, je suis sûr que nous pouvons relever ce défi», avait estimé le directeur du théâtre Abdelkader- Alloula cette année-là, en soulignant que cette bouffée d'oxygène allait également permettre de lancer le volet formation de comédiens et alimenter cette réserve de ressources que l'Algérie doit constituer si elle espère garantir la relève. Depuis 2010 donc, le théâtre Abdelkader-Alloula a réussi un grand pas dans la réhabilitation du quatrième art et sa réconciliation avec le public. Du moins sur le plan de la quantité puisque des pièces sont programmées presque tous les jours et une attention particulière est accordée à la frange juvénile, les mardis après-midi et vendredis matin étant presqu'exclusivement réservés aux enfants. «J'y emmène mes enfants régulièrement comme beaucoup de parents d'ailleurs, assure Salah, 45 ans. Et je constate aussi que de nombreux enfants, qui résident sans doute dans le voisinage du théâtre prennent leurs places seuls ou en groupes.»
Le pari gagné de la quantité Ce mois de novembre encore, le jeune public sera gâté par les pièces de théâtre E Assad oua el Hattaba, de Mourad Senouci, El-Houta oua el Jirane de Missoum Medjahri, El Khalia de Ahmed Benallam mais, également, par les jeux de marionnettes En Nahla, El Malik el Haïran et Moussibet el Himar de Houari Abdelkhalek qui ne manqueront pas, comme toutes les fois qu'un spectacle de marionnette est organisé, d'attirer la grande foule. Pour les adultes, la programmation du théâtre a prévu Le Jeu du Mariage, de Mourad Senouci et mis en scène par Ghaouti Aziri et El Hasla écrite par Mahi Benamara et réalisée par Habib Medjaheri. Deux après-midis poétiques, un concert de musique et une rétrospective sur l'œuvre du dramaturge Alloula (1939-1994) avec la projection de sa pièce Homk Salim, adaptée du Journal d'un Fou de l'écrivain russe Gogol, sont également prévus durant ce mois de novembre. Cela à quelques semaines de l'achèvement, prévu pour fin décembre, de El Mechaâl, épopée historique préparée à l'occasion de l'indépendance nationale, écrite par le dramaturge Abbas Lakhdar et mise en scène par Missoum Medjaheri en collaboration avec Hamouda Bachir. Cette pièce qui retrace les souffrances du peuple algérien durant la colonisation française sera interprétée par 25 comédiens et comédiennes. Ce «foisonnement» n'est pas propre à ce mois de novembre mais constitue désormais une réalité vécue presque chaque mois depuis presque deux années : durant le mois de Ramadhan dernier par exemple, une cinquantaine de manifestations théâtrales et musicales avaient également été animées dans l'enceinte du théâtre, y compris par des troupes venues de théâtres régionaux des wilayas de Sidi Bel-Abbès, Mascara, Saïda, Bordj-Menaïel, Béjaïa, Sétif, Guelma et Batna. Il demeure que si le pari de la quantité semble avoir été gagné, celui de la qualité est loin de satisfaire tout autant les spécialistes que les amateurs et un sérieux travail reste à accomplir dans ce sens-là. Et c'est probablement la partie la plus improbable de cette lutte pour la réhabilitation du théâtre algérien…