Synthèse de Ghada Hamrouche Trois jours après le «hold-up constitutionnel», du président égyptien Mohamed Morsi, le calme ne revient toujours pas en Egypte. Après la rue et les partis politiques, c'est l'appareil judicaire qui est entré hier en franche contestation contre le président. La plus haute autorité judiciaire d'Egypte a dénoncé hier les nouvelles prérogatives du président islamiste Mohamed Morsi qui mettent ses décisions à l'abri de recours devant la justice, tandis que les juges d'Alexandrie ont proclamé une grève ouverte. La «déclaration constitutionnelle» annoncée jeudi par la présidence «est une attaque sans précédent contre l'indépendance du pouvoir judiciaire et ses jugements», a déclaré dans un communiqué le Conseil suprême de la justice à l'issue d'une réunion d'urgence. Le Conseil, qui supervise les affaires administratives et les nominations des juges et magistrats, a appelé le président à retirer de sa déclaration constitutionnelle «tout ce qui touche au judiciaire». Dans le même temps, le Club des juges d'Alexandrie, la deuxième ville du pays, a annoncé une grève ouverte pour dénoncer cette déclaration par laquelle M. Morsi a considérablement renforcé ses pouvoirs. Le club des juges d'Alexandrie a donc annoncé la suspension du travail dans tous les tribunaux et les bureaux du procureur, dans les provinces d'Alexandrie et Beheira, une province voisine, jusqu'à la fin de la crise causée par cette déclaration, a annoncé Mohammed Ezzat al-Agwa, le président du club, dans un communiqué. Les juges d'Alexandrie «n'accepteront rien de moins que l'annulation» de la déclaration de M. Morsi qui viole selon eux le principe de séparation des pouvoirs, a précisé M. Agwa. Au Caire, une assemblée générale des juges examinait la réponse à faire aux décisions du président. Une vingtaine de «juges indépendants» ont estimé que si certaines décisions répondaient à une demande, elles ont été prises «aux dépens de la liberté et de la démocratie». M. Morsi, issu de la confrérie des Frères musulmans, cumulait déjà les pouvoirs exécutif et législatif, l'Assemblée ayant été dissoute juste avant son élection en juin. Il a décidé jeudi de les renforcer encore en promettant de les utiliser pour accélérer les réformes démocratiques. Les nouvelles prérogatives mettent les décisions du président à l'abri de recours devant un pouvoir judiciaire avec qui il entretient des relations houleuses, et doivent durer jusqu'à l'adoption d'une nouvelle Constitution, un processus aujourd'hui enlisé et qui pourrait prendre des mois. Jeudi, M. Morsi avait annoncé la réouverture d'enquêtes sur la mort de quelque 850 manifestants durant le soulèvement de 2011 et de centaines de plus depuis. Le nouveau procureur général, Talaat Ibrahim Abdallah a déclaré dans un communiqué que de «nouveaux tribunaux révolutionnaires» seraient mis en place et pourraient voir M. Moubarak, ses fils et ses plus hauts responsables de la sécurité rejugés si «de nouvelles preuves» étaient réunies contre eux. M. Moubarak et son ministre de l'Intérieur Habib el-Adli ont été condamnés en juin à la perpétuité, mais six responsables de la sécurité poursuivis en même temps ont été acquittés, ce qui a provoqué l'indignation de la population.