Le développement récent de la rébellion du Mouvement du 23 mars (M23) dans le nord-Kivu, à l'est de la République démocratique du Congo, ne suscite pas seulement des inquiétudes mais aussi beaucoup d'interrogations. Les rebelles du M23, en guerre contre le régime de Kinshasa depuis la mi-avril 2012, ont réussi en l'espace d'une semaine à contrôler la capitale du nord-Kivu, en l'occurrence Goma, sans la moindre difficulté. Les soldats des forces armées de la République démocratique du Congo (Fardc) n'ont opposé aucune résistance aux rebelles qui ont pris le contrôle de l'aéroport et de la ville de Goma, à la veille de l'ouverture, à Kampala (Ouganda), d'un sommet des pays membres de la conférence internationale des Etats des Grands Lacs (Cirgl) pour tenter d'apporter une réponse à la crise en RDC. La prise de Goma par les rebelles a basculé en fait les rapports de force, obligeant Kinshasa à accepter le principe de l'ouverture des pourparlers avec le M23. Le président de la RDC, Joseph Kabila, avait catégoriquement refusé d'engager les négociations avec le M23, qu'il a accusé dès le début de chercher à déstabiliser le pays et d'entraver le processus de reconstruction du Congo-Kinshasa, qui n'a pas totalement pansé les plaies d'une guerre civile meurtrière entre 1998 et 2003. Le M23, en référence aux accords de paix du 23 mars 2009, signés à Goma entre les autorités de Kinshasa et le Congrès national pour la défense du peuple (Cndp), a justifié la reprise des armes par le non respect des engagements pris par M. Kabila depuis neuf ans. Parmi les engagements non tenus de Kinshasa, le M23 parle du développement socioéconomique du nord-Kivu. Les rebelles estiment que les autorités de Kinshasa ont abandonné les autres provinces du pays et se sont concentrées sur le développement de la capitale de la RDC et de ses environs. Joseph Kabila s'en défend et affirme faire de son mieux pour remettre le pays sur les rails. Une mission qu'il estime difficile sans la participation de toutes les forces vives de la RDC, dont les militaires mutins qui ont quitté les Fardc pour créer le M23. Dans un pays qui vient de sortir d'une guerre qui a embrasé l'ensemble de la région des Grands Lacs, le processus de reconstruction de l'économie n'est pas du tout aisé. Les rivalités tribales et ethniques qui ont conduit au génocide rwandais entre Tutsis et Hutus en 1998, la corruption au sein des hautes sphères de l'Etat et de l'entourage de Joseph Kabila lui-même ont accentué la colère des populations du nord-Kivu, qui vivent entre les griffes du sous-développement est le diktat des anciennes milices et autres factions rebelles qui exploitent les ressources minières en toute illégalité. La prise de Goma, au début de cette semaine, a démontré que l'Etat congolais demeure fragile et peu loti en moyens nécessaires afin de lutter contre les violences armées. Derrière cette incapacité de faire face aux groupes armés se cache, en fait, un danger qui guette la RDC et qui risque même de s'étendre aux pays voisins, dans cette région des Grands Lacs instable. Le germe de la scission qui a conduit l'ex-Zaïre à la création de nouveaux Etats, dont l'actuelle RDC, l'exemple du Soudan et d'autres pays africains comme le Nigeria et le Mali, qui risquent l'éclatement en micro-Etats, menace aujourd'hui la RDC. Le M23 réclame une certaine autonomie, qui conduirait inévitablement à l'indépendance du nord-Kivu à long terme. Dans une région constamment soumise à des influences étrangères et aux luttes ethniques, il n'est pas écarté de voir la RDC disparaître pour laisser place à de petits Etats, dépourvus de moyens pour se prendre en charge à l'avenir, comme c'est le cas actuellement au Soudan du Sud où tout est à faire. Dans la région des Grands Lacs, la paix demeure fragile et la situation ne s'améliore pas, y compris au Rwanda ou en Ouganda où il n'existe qu'un semblant de stabilité. Si Joseph Kabila ne réussit pas à convaincre le M23, la guerre dans le nord-Kivu s'étendra à d'autres provinces de la RDC et pourrait se propager au-delà des frontières de ce pays, où la situation humanitaire se dégrade de jour en jour malgré la présence active de nombreuses ONG onusiennes. L. M.