Si du côté du 4e art, les choses commencent à bouger comme en témoignent le nombre, réduit mais croissant, des productions théâtrales et la fréquentation du public ces deux dernières années, la situation du cinéma reste, elle, désespérément figée : pas de productions notables à mettre au crédit des cinéastes locaux, pas de réhabilitation ou de réouverture programmée des salles de spectacles (les cinémas n'ont même pas eu droit de cité dans les nombreux projets de développement entamés ou projetés à Oran) et pas davantage de débat entre les professionnels sur le sort du 7e art et des moyens de le sortir de l'ornière. Le tout alors même que la wilaya s'apprête à tenir la 6e édition du film arabe qui doit accueillir, du 15 au 22 décembre, les ambassadeurs du cinéma de 13 pays. L'indifférence manifeste des pouvoirs publics et la lassitude qui a fini par gagner les plus têtus des professionnels du cinéma ont poussé les jeunes générations éprises de culture, en général, et de cinéma, en particulier, à se mettre en quête d'autres perspectives, d'autres ouvertures que les portes obstinément closes des institutions étatiques. Et c'est ainsi qu'en 2007, un film amateur sur le phénomène de l'émigration clandestine, Visa de la mort, forgé dans la douleur, avec seulement 500 000 dinars et une caméra, par le jeune Samir Dellal et ses camarades de galère, était projeté en avant-première par la Cinémathèque d'Oran. Un film réalisé sans d'autres soutiens financiers que le modeste sponsoring d'une cafétéria et d'une pizzeria et le sacrifice très personnel du réalisateur et de sa troupe d'acteurs amateurs : «J'ai dû me retourner les fonds de poches pour mener ce projet à terme», avait-il déclaré au sortir de la séance, en indiquant que les autorisations pour le tournage dans les lieux publics avaient été la seule contribution des pouvoirs publics. Outre l'appel à la vigilance lancé aux candidats à la harga -un phénomène très en vogue ces années-là qui faisait des heureux mais aussi des morts et des disparus- Dellal a souligné que sa seule ambition était «de démontrer que les jeunes ont la tête pleine d'idées, qu'ils peuvent créer et produire, réaliser des films ou monter des projets, pour peu que les tuteurs de la Culture leur en donnent les moyens». Si depuis 2007, aucun film amateur n'a été porté à la connaissance du public oranais, les affirmations du réalisateur de Visa de la mort ne se sont pas démenties et de très nombreux jeunes oranais se sont mis à filmer avec frénésie avec leurs téléphones portables et des appareils photos numériques. Cela a donné lieu à un véritable florilège de clips postés sur les sites d'hébergement de vidéos, que des millions d'internautes à travers le monde peuvent consulter à loisirs. Le phénomène a-t-il secoué la torpeur des responsables de la culture ? Evidemment non et c'est l'Institut français d'Algérie qui, attentif aux innovations et créations culturelles, a eu l'idée d'accompagner le phénomène et d'organiser le Pocket Film - festival qui s'avère parfois révélateur de potentialités artistiques- pour «faire découvrir les créations vivantes et spontanées faites à l'aide du téléphone». Depuis 2009, donc, cette initiative offre aux amateurs de la pellicule la possibilité de s'exprimer, de se distinguer et, parfois même, d'exporter leurs réalisations dans d'autres festivals internationaux.En 2010, lors de la première édition, avec quarante participations, c'est un lauréat de la wilaya de Médéa, Mekri Mohamed Alaa Eddine qui, pour son clip Amchi, a remporté le prix du jury et un ticket pour un séjour en France et une participation à un festival de cinéma et, cette année, lors de la 3e édition - qui s'est tenue en collaboration avec la jeune association Générations Oranaises- c'est Yassine Mohammed qui, parmi les 70 participants, a remporté le concours avec son Miraculé qu'il ira, en 2013, présenter à Marseille dans le cadre de la manifestation Marseille Provence qui verra la participation des lauréats d'autres pays d'Afrique et d'Europe : «Ces petits succès ne sont pas propres au cinéma ni, plus généralement, aux arts, explique un universitaire. Les Algériens prouvent tous les jours qu'ils sont capables du meilleur dans tous les secteurs et dans toutes les disciplines, ce que nous voyons régulièrement à travers les journaux et la télévision. Malheureusement, pour des raisons que tout le monde connait, ces réalisations ne sont pas encore possibles en Algérie.»On le voit, les potentialités artistiques existent, elles sont partout et s'expriment comme elles le peuvent. Aux pouvoirs publics d'enfin les voir et de leur donner les moyens d'éclore et de transformer les petites réussites en grands succès.