Les manifestations et les heurts se poursuivent au Caire et dans plusieurs autres villes égyptiennes. Les forces de l'ordre, la police égyptienne a tiré hier, mercredi des gaz lacrymogènes sur des manifestants hostiles au président Mohamed Morsi sur la place Tahrir au Caire. Des affrontement avaient déjà éclaté dans les rues environnantes pendant la nuit. Des dizaines de milliers d'Egyptiens se sont rassemblés place Tahrir pour protester contre la décision de Mohamed Morsi de s'octroyer des pouvoirs exceptionnels, la plus forte mobilisation hostile au président islamiste depuis son élection en juin. Des rassemblements similaires ont eu lieu dans la plupart des 27 provinces égyptiennes. Les affrontements ont fait jusqu'ici au moins 3 morts et 300 blessés. Ces manifestations grandioses les premières après la révolution ont éclaté aprés que le Président égyptien s'est adjugé plus de pouvoir par un décret qui lui a permis de limoger le procureur général du Caire. Les manifestants et les sit-in se sont multipliés depuis plus de 5 jours, causant jusqu'ici la mort de 3 personnes alors que plus de 300 autres ont été blessées. Fort heureusement, les Frères musulmans ont annulé la marche qui devrait avoir lieu en même temps que l'opposition, évitant des affrontements entre les deux camps. A la tête des manifestants se trouvent des milliers d'avocats et de magistrats et plusieurs milliers de militants issus des partis libérales et démocratiques. Au niveau de la place Tahrir des milliers de manifestants scandaient «le peuple veut la chute du régime», un des slogans emblématiques de la révolte de l'an dernier qui mena à la chute du régime de Hosni Moubarak. D'autres cortèges progressaient vers la célèbre place du centre ville, qui se remplissait progressivement de manifestants protestant contre une dérive «dictatoriale» du nouveau pouvoir. «Les Frères musulmans sont des menteurs», pouvait-on lire sur une pancarte brandie par un manifestant, tandis qu'une banderole déployée à une entrée de la place proclamait : «Interdit aux Frères musulmans» --la formation dont est issu M. Morsi--. «Le Président pousse le peuple à la désobéissance civile» ou «Les Frères musulmans volent la révolution», proclamaient d'autres banderoles sur la place, restée le site de nombreuses manifestations depuis la révolte de janvier/février 2011. «Nous resterons à Tahrir tant que Morsi n'aura pas annulé sa déclaration», a déclaré Ahmed Fahmy, un chômeur de 34 ans qui campe sur cette place où un village de tentes a été érigé par les militants anti-Morsi. Des heurts sporadiques ont également eu lieu près de Tahrir, aux abords de l'ambassade des Etats-Unis, entre de petits groupes de jeunes et la police anti-émeutes, qui répondait aux jets de pierres par des tirs de gaz lacrymogènes. Ces accrochages, qui ont lieu depuis une semaine, étaient néanmoins dénoncés par de nombreux manifestants anti-Morsi présents à Tahrir, désireux de garder un caractère pacifique à leur manifestation. «Notre problème aujourd'hui ce n'est pas la police, c'est le décret de Morsi», affirmait Mamdouh Hamza, une personnalité politique libérale. Les Frères musulmans ont annulé un rassemblement pro-Morsi prévu dans un autre quartier du Caire, expliquant vouloir éviter des affrontements. Dans l'autre grande ville d'Alexandrie, deuxième ville du pays, des milliers de personnes hostiles au président ont commencé à se rassembler dans l'après-midi sur une grande place bordant la Méditerranée. Deux grands cortèges devaient les rejoindre. Après une rencontre avec la hiérarchie judiciaire lundi, M. Morsi a décidé de maintenir le décret controversé par lequel il s'est autorisé à prendre toute mesure jugée nécessaire pour «protéger la révolution». Ce décret, annoncé le 22 novembre, a provoqué la colère d'une grande partie du monde judiciaire et de la classe politique, en plaçant les décisions présidentielles à l'abri de tout recours en justice. Unique inflexion apparente, seuls ses «pouvoirs souverains» -dont la définition reste vague- sont hors d'atteinte des juges, a indiqué la présidence, laissant entendre que les décisions de routine pourraient toujours être soumises aux magistrats. Le décret empêche également la justice d'examiner les recours contre le processus de rédaction de la Constitution, que ses adversaires estiment dominé par les islamistes. Les partisans de M. Morsi soulignent que ces pouvoirs exceptionnels donneront au Président les moyens d'engager des réformes indispensables et assurent qu'ils cesseront avec l'adoption prévue dans quelques mois de la nouvelle Constitution. Dans son décret, le Président a aussi demandé «de nouvelles enquêtes et jugements» dans les affaires de meurtres de manifestants lors de la révolte de 2011, faisant planer une menace sur certains hauts responsables militaires ou de la police, voire un nouveau procès pour l'ex-président déchu Hosni Moubarak.