Elena Merle-Béral, analyste à l'Agence internationale de l'énergie (AIE), dans un entretien à la revue Regard sur l'est (RSE), explique que la Russie a un potentiel énorme, car, a-t-elle ajouté, c'est un pays immense, aux conditions climatiques et géographiques très variées. Elle dispose de toutes les énergies renouvelables possibles : la biomasse (ensemble des énergies provenant de la dégradation de la matière organique), l'énergie hydraulique, géothermique (issue de la chaleur de la Terre), éolienne, solaire ou encore marémotrice. Elena Merle-Béral, relève que certaines sources ne sont disponibles que dans quelques régions seulement, comme par exemple l'énergie géothermique que l'on retrouve plutôt au Kamtchatka ou dans les îles Kouriles (extrême-orient russe). Mais en revanche, toutes les régions ont au moins une ou deux sources d'énergie renouvelable. Actuellement, ce potentiel n'est pas très développé, à l'exception peut-être de l'énergie hydraulique, qui contribue à 17% du total de l'électricité produite dans le pays. Cela correspond à 2% de la fourniture totale d'énergie primaire (ensemble des produits énergétiques non transformés, exploités directement ou importés tels que la nature nous les livre, énergie mécanique du vent, par exemple). La biomasse et les déchets fournissent, quant à eux, 1% de l'énergie primaire. Autrement, l'utilisation des autres énergies renouvelables est encore insignifiante à l'échelle nationale. Cela s'explique notamment par la structure du secteur énergétique russe et le prix des énergies conventionnelles. Le gaz, qui est la source prédominante d'énergie en Russie, représente plus de la moitié de la fourniture totale d'énergie primaire. Son prix est contrôlé par l'Etat et n'est pas très élevé, ce qui fausse la concurrence. En comparaison, les énergies renouvelables ne sont pas compétitives. De même, le prix de l'électricité est relativement bas pour les usagers. Du coup, les investisseurs potentiels qui souhaitent se tourner vers les énergies renouvelables sont confrontés au problème suivant : ils ne sont pas sûrs de pouvoir couvrir les coûts de développement des énergies renouvelables. D'autre part, peu d'investissements sont réalisés dans le secteur de l'électricité en général. De ce fait, les infrastructures sont en mauvais état. Pour l'instant cela n'a pas d'incidence, mais dans les cinq années à venir le besoin d'investissement deviendra urgent. En 2003, l'AIE a calculé qu'il faudrait investir 380 milliards de dollars dans ce secteur d'ici à 2030 afin d'éviter les ruptures d'approvisionnement en électricité. Les réseaux de chauffage urbain auraient aussi besoin d'investissements. Les énergies renouvelables pourraient jouer un rôle plus important dans la fourniture d'électricité et de chauffage dans l'avenir, mais pour cela il faudrait un marché plus libre et plus concurrentiel, souligne l'analyste de l'AIE. Extrait de l'entretien : «La Russie a des réserves d'énergies fossiles, considérables. Pourtant, vous estimez qu'elle aurait intérêt à mettre un peu plus l'accent sur ces énergies renouvelables. Pour quelles raisons ? La Russie dispose en effet de réserves gigantesques de gaz, de pétrole ou de charbon, mais celles-ci sont réparties dans quelques régions seulement. D'autres provinces n'en disposent pas du tout ou très peu, et sont obligées de les importer. Si celles-ci développaient leurs ressources en énergies renouvelables, cela leur coûterait à terme moins cher, car cela réduirait leur facture en énergies fossiles, qui deviennent de plus en plus coûteuses. En outre cela leur permettrait de créer des emplois. Enfin, les énergies renouvelables sont à privilégier pour des raisons écologiques, évidentes.» R. E.