Les manifestations du 11 décembre 1960 avaient pour objectif de «contrecarrer» celles des partisans du général de Gaulle et réorganiser la Zone autonome d'Alger (ZAA), déstructurée durant la bataille d'Alger en 1957, a affirmé l'un des responsables du réseau El Malik du Front de libération nationale (FLN), M. Larbi Alilat. Retraçant l'historique des évènements du 11 décembre 1960, M. Alilat a indiqué, dans un entretien accordé à l'APS, que «Bettouche Belkacem et Benslimane Youcef, deux responsables du réseau El Malik avaient contacté les militants d'Alger du FLN pour les amener à infiltrer les manifestations pro-gaulliste, et d'en changer les slogans». A l'origine, le Mouvement pour la communauté (MPC), proche des milieux gaullistes avaient commencé, à partir du début décembre, à organiser des manifestations de soutien au plan d'autodétermination du général de Gaulle, en scandant «vive l'Algérie-algérienne» et «vive de Gaulle», a-t-il rappelé. Un groupe de militants, notamment Bara Mohand, Bettouche Belkacem, Benslimane Youcef et Larbi Alilat avaient décidé, au cours d'une réunion tenue à la rue de la Liberté (Alger), de retourner les évènements en faveur de la cause nationale, en infiltrant les rangs des manifestants et en scandant de nouveaux slogans, tels que «vive le FLN», «vive Ferhat Abbas». «Les manifestations avaient commencé le 10 décembre et elles étaient planifiées initialement en faveur de Charles de Gaulle, pour approuver sa politique en Algérie», a-t-il expliqué, indiquant que «pendant 4 jours le MPC faisait sortir les gens, qui ne pouvaient pas refuser». «Avec la constitution du réseau El Malik, nous avons pu infiltrer les manifestations et les retourner en notre faveur», a soutenu M. Alilat à ce propos. «Quand ils sont arrivés (MPC) à Alger le 10 décembre, la manifestation était extraordinaire. Nous n'avons pas accepté cela, le Front de libération nationale (FLN) n'a pas interdit de manifester, il a juste déconseillé d'y participer», a-t-il cependant affirmé. Le réseau El Malik a été constitué vers la fin juillet 1960, à sa tête Bara Mohand, Bettouche Belkacem et Larbi Alilat. Il avait pour mission de contrecarrer les manifestations des partisans du général de Gaulle et de reconstituer ainsi que réorganiser la Zone autonome d'Alger, sérieusement décimée durant la Bataille d'Alger en 1957. Le réseau El Malik dépendait étroitement de la wilaya IV historique, par le truchement de Belkacem Bettouche, qui était en relation avec la wilaya IV, bien avant la constitution du réseau. «Nous nous sommes rencontrés lors d'une réunion informelle, dans un lieu situé à Belcourt (actuellement Mohamed-Belouizdad) et nous avions décidé de faire quelque chose, pour empêcher cela», a-t-il précisé. «Nous étions une vingtaine de militants réunis dans la maison de Roudjali Ahmed pour créer ce réseau. Le but de la réunion n'était pas d'organiser des manifestations, mais c'était de placer à la tête du réseau un groupe qui va essayer de reconstituer la ZAA. Ensuite, nous avions envoyé un rapport aux wilayas III et IV historiques pour qu'il parvienne au Gouvernement provisoire de la République algérienne (Gpra)», a raconté M. Alilat, qui a précisé que les militants avaient demandé au Gpra de les autoriser à travailler avec ce titre. M. Alilat a affirmé que les évènements avaient démarré du quartier de Belcourt, avant qu'ils ne fassent tâche d'huile dans d'autres quartiers d'Alger, en dépit du blocus des éléments de l'armée coloniale, qui avaient essayé par tous les moyens d'empêcher «nos militants d'exprimer leur colère». Faisant le bilan de ces manifestations, qui ont duré 3 jours, M. Alilat a indiqué qu'«il y avait beaucoup de morts et de nombreux blessés», ajoutant que «l'armée coloniale n'avait pas fait dans la dentelle, en tirant aveuglément sur la foule». Les pieds-noirs, avaient tiré sur la foule, selon lui, «sans pour autant décourager les manifestants», a-t-il dit. Les principaux acquis de ces évènements, a ajouté M. Alilat, étaient que le MPC avait été rebaptisé pour devenir le mouvement pour la coopération, signifiant ainsi «que de Gaulle avait fait un grand pas vers nous». Au plan international, ces évènements étaient le prélude aux négociations entre le FLN et la France, qui allaient déboucher sur l'indépendance de l'Algérie en 1962. «Les évènements ont donné une force extraordinaire à Krim Belkcacem qui représentait l'Algérie à l'ONU. Krim avait dit alors «qu'il fallait que le cri de Belcourt retentisse à Manhattan (Etats-Unis)», a-t-il confié. Pour lui ces évènements étaient incontestablement le début de la fin des «ultras» de la colonisation. «Les ultras étaient estomaqués. S'il y a bien des gens qui avaient eu peur c'était bien les Français. Quand ils ont vu la manifestation du 11 décembre, ils avaient compris que ça n'allait pas bien pour eux», a-t-il expliqué. Larbi Alilat est né en 1922. Il a adhéré au Parti du peuple algérien (PPA), alors qu'il avait tout juste 17 ans. Il rejoint les rangs de l'Armée de libération nationale (ALN) dès le déclenchement de la Révolution, en novembre 1954, dans la région de la Soummam (Petite Kabylie). Arrêté en 1956, il sera placé sous mandat de dépôt, avant d'être libéré en 1960, pour constituer quelques temps après le réseau El Malik. APS