La Pirogue de Moussa Touré est l'histoire d'une trentaine de passagers clandestins partis de Dakar pour atteindre les îles Canaries. Unité de lieu, de temps, de rêves et d'espoirs. Un huis clos en mouvement dédié à la mémoire de tous les Africains qui ont tenté l'aventure de l'immigration clandestine. Un film dédié à ceux et celles qui ont rêvé d'un monde meilleur pour eux et pour les leurs au péril de leur vie. Dans une fiction qui côtoie parfois le documentaire, le réalisateur sénégalais a réussi à faire transmettre l'esprit de ces milliers de Sénégalais et d'Africains qui décident de traverser l'océan dans d'immenses pirogues en bois. Sans abris ni confort, souvent sans réelles connaissances de la mer, bravant tous les dangers. Ne sachant parfois pas nager. L'histoire en elle-même n'est pas novatrice, mais jamais cinéphile n'a vécu cette aventure de la vie de l'intérieur. Un film d'une rare authenticité, magnifiquement porté par un jeu naturel de comédiens extraordinaires. Il n'en faut pas plus pour le spectateur pour être le trent-et-enième passager sur la pirogue de Touré. Une pirogue qui cueille les émotions et ne cesse de surprendre son spectateur. La pirogue, l'espace d'une traversée, achetée à prix d'or et dont l'arrivée n'est jamais garantie à l'avance, filme ces hommes, parfois des femmes qui ont tout abandonné vers ce paradis promis. Sur la pirogue de Moussa Touré, les passagers ne parlent pas tous la même langue, ils n'ont pas tous la même religion et la majorité n'ont aucune idée de ce qu'est une traversée en mer... Le capitaine de la pirogue, Baye Laye, est le visage humain de cette aventure. Le passeur, homme cynique et vénal, faisant la traversée avec les hommes, est l'autre visage de l'humain. Certains passages du film ne sont pas sans évoquer des interrogations sur notre humanité, sur ses propres limites face à la survie. Quand la pirogue croise au loin une autre pirogue en détresse, et que les hommes entendent les cris, les appels au secours des naufragés assoiffés, affamés et désespérés, on ne peut que percevoir ce qu'ont dû vivre tous ceux croisant ces pirogues en dérive sur l'Océan. Vivre ou aider ? Il faut choisir. Vivre avec la culpabilité d'avoir laissé d'autres humains périr ou celle d'abandonner tout espoir de s'en sortir, les rations étant limitées et les barques déjà surchargées. La pirogue de Moussa Touré est loin d'être celle qui a enfoncé des portes ouvertes. Le réalisateur y déroule une dramaturgie très balisée. On y compte les jours et les nuits qui séparent les passagers de la pirogue de l'eldorado espagnol. Riche et intense, c'est un film à ne pas rater sous aucun prétexte. Ce film, comme l'ont gratifié des critiques cinéma, est un sans-faute, passionnant, tendu, captivant. Les destinées, dures et cruelles des immigrés clandestins, ne laissent pas indifférent. Que peut-on espérer de plus d'une fiction? Rien. Sinon un autre film tout autant sublime. G. H.