De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar La ville de Béjaïa a vécu, du 16 au 30 octobre dernier, au rythme d'une bonne quinzaine cinématographique. Ateliers de formation encadrés par des professionnels locaux et étrangers, projections de films documentaires, d'ici et d'ailleurs, en présence de réalisateurs et de critiques, forums de discussion et débats libres sur le 7e art, le menu était étoffé comme d'habitude au grand bonheur des stagiaires et des habitués, de plus en plus nombreux, à ce rendez-vous automnal du documentaire. Que ce soit à la plage féerique de Tighremt, site choisi pour les ateliers, ou à la petite salle du Théâtre régional de Béjaïa (TRB) qui a accueilli les projections, l'ambiance était bon enfant, et les échanges intenses et amicaux entre l'ensemble des participants. Après la clôture de cette seconde édition, l'association organisatrice, Cinéma et mémoire de Béjaïa, et ses deux partenaires, Kaïna cinéma de Paris et Etouchane de Roubaix, ont présenté pour la première fois au public une première «brochette» de six films d'atelier, fruits de la première édition qui a eu lieu au mois d'octobre 2007. Tous les documentaires en question sont produits par des stagiaires qui signent, là, leurs premières œuvres personnelles. La qualité, technique et thématique, de ces films a, en effet, surpris les cinéphiles. Encadrés une année durant à différentes phases de réalisation de leurs projets (réécriture et développement des sujets, tournage et montage), le résultat final dépasse aussi les espérances des stagiaires eux-mêmes. C'est le cas pour Bahia Bencheikh qui a tiré le portrait à sa ville natale qu'elle n'a pas revue depuis 7 ans. Constantine est le titre choisi par cette assistante à la réalisation qui prend pour la première fois les commandes. «A 30 ans, je retourne dans ma ville natale pour des raisons professionnelles et je m'aperçois que je la connaissais très mal… Le film pose deux questions essentielles : celle de la transmission des connaissances et celle relative à la responsabilité de chaque Constantinois envers sa cité. A travers mon histoire, le film pose le questionnement de toute une génération par rapport à ses racines et dresse un état des lieux identitaire de l'Algérie d'aujourd'hui», note Bahia qui se montre plutôt contente de son œuvre. Une satisfaction également partagée par Amine Aït Ouaret qui a signé Yaranegh (Entre nous). Etudiant à l'université de Béjaïa, Amine s'est, quant à lui, penché sur les difficultés et les espérances des jeunes dans le milieu rural. Il s'est notamment focalisé sur le dynamisme et la débrouillardise des associations culturelles dans les campagnes. «L'idée principale est de rendre hommage à ces jeunes qui ont compris qu'eux seuls peuvent décider du devenir de leur localité, qu'ils peuvent s'offrir des bouffées d'air dans un milieu rongé par la tradition et la hiérarchie parentale», explique-t-il. Tirant sa sève de la même veine, Fateh Abdenour Ziani (un militant socioculturel) filme la vie quotidienne d'un bricoleur hors pair qui résiste en écrivant des chansons et des poésies. Un Algérien ordinaire qui fait face aux difficultés de la vie et préfère la résistance à la capitulation. Meriem Bouakaz, vétérinaire de formation et membre du ciné-club de Constantine, s'est, de son côté, intéressée au phénomène de l'émigration clandestine. Son film, Harguin harguin ! tend le micro à des rescapés qui ont échappé de justesse à la mort en haute mer, aux familles de disparus et à des clandestins qui ont réussi leur périlleuse traversée. «Le film pose un regard personnel, le mien, sur notre société. Par réaction à l'image que nous reflète l'Occident et à celle, négative, dévalorisante et détestable, que nous nous faisons de nous-mêmes, après tous les échecs qui ont jalonné notre marche forcée vers la désillusion. Il se veut aussi une exploration de ma propre souffrance de candidate au départ», écrit-elle en guise de présentation. Mémoires d'un boycott de Cherif Messaouden, un animateur culturel de Tizi Ouzou, revient sur les péripéties de la «dissidence scolaire» de l'année 1994/1995. Les acteurs du mouvement de protestation, les responsables gouvernementaux de l'époque et les écoliers d'alors portent leur regard a posteriori sur cet événement qui a marqué au fer rouge toute une génération d'étudiants. Ismaïl Selkh s'est intéressé aux musiques du Grand Sud. Son documentaire Gaada se veut une anthologie dédiée aux poètes-chanteurs de son Béchar natal. Voilà, c'est juste une petite bande d'annonce de ces six premiers films d'atelier produits grâce à l'opportunité offerte aux jeunes cinéastes par les journées du film documentaire de Béjaïa. Dix autres projets ont été retenus cette année pour préparer la cuvée de 2009. On reviendra sur ces projets dans nos prochaines livraisons.