Jeudi dernier, deuxième jour de la visite d'Etat du président français, François Hollande, en Algérie, le magazine le Point a livré une information selon laquelle le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a indiqué qu'un accord permettant d'expérimenter une alternative à la fracturation hydraulique pour l'extraction du gaz de schiste sur le territoire algérien sera signé avec l'Algérie. Dans l'article publié sur son site Internet dans la rubrique Actualité : Confidentiels, sous le titre : Exclusif. Gaz de schiste : la France va explorer en Algérie, le Point écrit : «Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a fait quelques confidences, jeudi matin, à un petit nombre de journalistes. Dans ses propos, une information : la France et l'Algérie vont prochainement signer un accord permettant des recherches françaises sur le territoire algérien dans le domaine de l'exploitation du gaz de schiste. On sait le sujet sensible et capable de fâcher tout rouge l'allié écologiste. Les quelques permis d'exploitation, à des fins de recherche, délivrés sur le territoire national, sont, en effet, considérés par les Verts comme le Cheval de Troie, prélude à l'exploitation tout court. Mais le gouvernement ne renonce pas à l'idée d'un mode d'exploitation moins dangereux pour l'environnement que la fracturation hydraulique, le seul disponible actuellement. C'est donc en Algérie que ces recherches seront menées. Les Algériens, eux, ne risquent pas de râler.» Aucune réaction côté algérien, ni de la part des officiels ni des partis ou des associations. Le lendemain, le même magazine revient avec un second article, mais, cette fois, dans la rubrique Actualité : Sciences, pour démentir, en partie, l'information donnée la veille. Sous le titre : Gaz de schiste, Batho contredit Fabius, le Point indique que «la ministre de l'Ecologie dément tout accord avec l'Algérie concernant l'exploitation du gaz de schiste, comme l'avait laissé entendre le ministre des Affaires étrangères». «Informée de cette confidence (l'accord algéro-français sur les recherches pour l'exploitation du gaz de schiste, Ndlr), Delphine Batho l'a rapidement contredite. Avec l'aval de Matignon et après un contact avec le Quai d'Orsay, la ministre de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie a apporté un démenti aux propos de Laurent Fabius. «Si la France, comme c'est sa position officielle, interdit la fracturation hydraulique pour exploiter le gaz de schiste, ce n'est pas pour l'encourager ailleurs», explique un conseiller de Delphine Batho, écrit le magazine, qui précise, toutefois, que «Laurent Fabius n'évoquait, pourtant, pas la technique de la fracturation hydraulique mais, au contraire, un programme de recherches avec les Algériens pour imaginer un éventuel procédé alternatif, plus respectueux de l'environnement». «Le démenti suscite donc une double interrogation : soit Laurent Fabius s'est mal exprimé, ce qui n'est pas son genre, soit les premières critiques que cet accord éveille obligent le gouvernement à rétropédaler», conclut le Point. Autrement dit, le démenti pourrait être une réponse diplomatique pour «ni fâcher le berger ni affamer le loup», comme le dit un adage populaire. Il faut souligner que la sortie de Delphine Batho est, aussi, venue après une autre réaction - toujours française, à croire que ce ne sont pas les Algériens qui sont les premiers concernés - d'associations écologiques. Une quarantaine de collectifs citoyens, militant contre l'exploration et l'exploitation des gaz et pétrole de schiste, avaient lancé, le 21 décembre dernier (le lendemain de la déclaration de M. Fabius), une pétition dans laquelle ils dénoncent la politique énergétique de M. Hollande et la passivité des autorités algériennes (hormis un rassemblement d'étudiants à l'université d'Oran au lendemain de la déclaration de M. Fabius, notre gouvernement est inscrit aux abonnés absents). Sous l'intitulé Gaz et pétrole de schiste : Ni dans mon jardin, ni dans celui du voisin ! Les signataires de la pétition écrivent : «Alors que François Hollande s'est publiquement engagé, en septembre dernier, à ne pas permettre l'exploitation des gaz et pétrole de schiste au nom de la défense de l'environnement, son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, cité par le Point, déclarait, hier, qu'un accord était en cours de signature avec l'Algérie. Ce dernier ferait de l'Algérie un laboratoire que la mobilisation citoyenne sans précédent a rendu plus difficile à mettre en place, en France : celui des expérimentations d'alternatives à la fracturation hydraulique.» Les associations écologiques précisent que quelle que soit la technique utilisée pour l'extraction de gaz ou de pétrole, la fracturation de la roche-mère est nécessaire et les fissures doivent être gardées ouvertes grâce à l'injection de particules par un liquide porteur, ce qui n'élimine ni ne diminue en rien les risques de contamination des sols et des nappes phréatiques. «De même, ni la fracturation au méthane, ni la fracturation pneumatique, ni la facturation par arc électrique, ni la fracturation au CO2, techniques extrêmement complexes en soi, ne permettront d'éviter les fuites de méthane et n'inverseront la tendance à l'aggravation de l'effet de serre», précise le texte qui conclut que, en fait, «la France considère toujours ses ex-colonies comme des laboratoires pour les sales besognes impossibles à mener sur le territoire national», même si, officiellement et publiquement, elle reconnait avoir imposé en Algérie un système colonial injuste et brutal. Aussi, les collectifs signataires disent-ils qu'ils se joignent aux Algériens et à tous les Maghrébins pour dénoncer haut et fort cet accord et se déclarer solidaires avec la Déclaration de la Conférence internationale d'Oujda pour lutter contre la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des gaz de schistes. Et pendant que les politiques français louvoient et que les associations écologiques françaises montent au créneau, nos responsables se murent dans un silence tout ce qu'il y a de suspect. Car, la déclaration de M. Fabius exigeait un démenti ou un éclaircissement officiel, immédiat, d'autant plus qu'elle est venue après celle du premier ministre, Abdelmalek Sellal qui avait affirmé, le 21 novembre dernier, à Alger, lors de la réunion avec le patronat et la centrale syndicale Ugta, que l'exploitation de gaz de schiste en Algérie est «une option pour le très long terme». «On ne va pas le pomper aujourd'hui (gaz de schiste) mais à échéance très lointaine, allant à l'horizon 2040», avait-il soutenu, alors, en réponse à une amorce de débat autour de l'exploitation du gaz de schiste en Algérie. A moins que la dénégation algérienne ne soit, en fait, qu'une porte dérobée pour sortir d'un débat qui s'annonçait ardu. Débat dont nous ne pourrions ni devrions faire l'économie quand on sait que l'exploration est tout aussi polluante et risquée que l'extraction (pollution de la nappe albienne et risques de séismes intraplaques dans le cas de l'Algérie). Des études et des recherches scientifiques soutenues par des tests ont démontré que les grands ouvrages (mines et barrages) peuvent réveiller une faille sismique comme ils peuvent provoquer des mouvements de sol. H. G.