Les conditions opératoires d'une intervention militaire au nord du Mali ne peuvent pas être réunies, même sur une période d'une année, estiment des spécialistes de la question, qui s'interrogent, par ailleurs, sur les motivations de Paris et la détermination des dirigeants de Bamako à «y aller», même quand ils sont en déficit de légitimité. Un déficit de légitimité qui touche à la fois les politiciens, qui héritent d'une «transition institutionnelle» dont les enjeux semblent les dépasser largement, et les militaires, assis sur une succession de putschs. «Il est erroné de croire à l'efficacité d'une intervention militaire au nord du Mali, comme il est utopique d'asseoir les conditions d'une élection dans le pays» dans un délai relativement court, a souligné, hier, le professeur M'Hand Berkouk, lors du Forum géostratégique du quotidien El Moudjahid. Dans une lecture politico-sécuritaire de la crise, M. Berkouk a présenté les implications régionales désastreuses que peut causer une éventuelle intervention armée que le gouvernement malien veut concrétiser le plus vite possible. Pourtant, «les conditions et les échéances fixées par le Conseil de sécurité ne seront jamais respectées et les 3 300 soldats de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), qui doivent être déployés dans le nord du Mali sous mandat de l'ONU, n'ont pas l'expérience nécessaire» pour une telle mission, a relevé l'universitaire. Ce dernier est ainsi convaincu que les implications régionales d'une intervention militaire sont très inquiétantes. Il évoque, à cet effet, «quatre scénarios à appréhender» en cas d'intervention armée. Le premier scénario est celui qui va «engendrer un élargissement du terrain du terrorisme à l'intérieur du Mali». Le péril dans ce cas est de voir le voisin malien sombrer dans la violence terroriste sur l'ensemble de son territoire. Le second scénario évoque «une prolifération horizontale» du terrorisme -vers la Mauritanie et le Niger-, qui tisserait des connexions avec d'autres organisations, à l'exemple de Boko Haram. Le troisième scénario est celui «d'une prolifération du terrorisme vers le nord». L'intervenant dira, à ce titre, que «le Mali est le ventre mou de la sécurité nationale de l'Algérie». Le quatrième scénario est présenté comme le plus inquiétant, dans le sens ou il va marquer «une expansion du terrorisme qui va inclure la Libye, qui est le front le plus dur à gérer car c'est le front le plus fragile». M. Berkouk regrette, par ailleurs, le fait que «le dialogue ne soit pas une priorité» pour les parties, comme il a défendu «la nécessité de créer les conditions du dialogue au Mali incluant le Mnla et Ansar Eddine». M. Bachir Medjahed, analyste politique et ancien membre de l'Inesg (Institut national des études stratégiques globales), a préféré poser la problématique de la légitimité sur fond de crainte qu'un scénario à l'irakienne se répète au Mali. «On n'a pas entendu les populations maliennes réclamer un bombardement», soutient M. Medjahed, pour qui «le droit international n'a pas qu'une seule interprétation». Ce dernier a insisté sur «la part» des Maliens et leur réaction devant une opération armée. Il dira, que «pour le Malien, les forces de la Cédéao sont des forces étrangères». M. Medjahed fait aussi savoir que «les forces qui interviennent ne se retirent pas dans les années qui suivront». Il n'y avait pas eu de retrait de ces forces ni en Irak, ni en Afghanistan. M. Khelfane Karim, docteur en droit et sciences politiques à l'Université de Tizi Ouzou, a présenté une lecture juridique de la résolution 2085 adoptée par le Conseil de sécurité de l'ONU le 20 décembre dernier. Défendant la thèse d'une «solution globale», M. Khelfane a relevé que «la crise malienne ne peut pas être scindée». A. Y.