L'un des dossiers culturels les plus lourds et les plus compliqués qui attendent la nouvelle équipe communale d'Oran est, sans doute, la réhabilitation d'une partie de la trentaine de salles de cinéma qui sont fermées, rappelons-le encore, depuis un peu plus de 20 ans. Vingt longues années pendant lesquelles les Oranais ont été sevrés de cinéma et les belles salles de spectacles, héritage architectural de la période coloniale, transformées en vulgaires espaces commerciaux, depuis leur rétrocession au privé au milieu des années 1980. La Cinémathèque, aux mains du ministère de la Culture, Le Maghreb (ex-Régent) et Saada (Ex-Colisée et El Feth (ex-Pigalle), tous les trois gérés par la commune d'Oran, sont les seuls cinémas à avoir échappé à l'hécatombe qui a frappé le patrimoine de la capitale oranaise mais seule la Cinémathèque assure des projections quotidiennes, les trois autres abritant beaucoup plus les événements politiques que les manifestations cinématographiques. Et, on le sait, six années après sa naissance, le Festival d'Oran du film arabe, supposé revigorer la «dynamique de réhabilitation» des salles de cinéma, régulièrement rappelée par les pouvoirs publics, n'a fait que souligner l'absence d'une réelle volonté politique de sauver ce qui peut l'être encore : «Je ne sais pas si on se rend compte de l'absurdité de la situation, s'interroge un cinéphile, mais il est question d'une ville qui organise annuellement un festival international de cinéma alors que la majorité de ses habitants n'a aucune idée de ce que peut être une séance de cinéma. Beaucoup de jeunes, âgés de 20 ans, n'ont jamais connu la joie de se rendre à une projection, choisir un film, acheter un ticket, patienter, en grignotant des cacahuètes, en attendant que la projection commence… tout ce rituel qui fait une séance de cinéma. Je trouve cela dramatique!» La majorité des équipes communales et des responsables qui ont présidé aux destinées de la ville ces vingt dernières années ont, certes, déploré la situation et promis de travailler à la récupération des salles de cinéma mais toutes se sont arrêtées à l'établissement du constat et aucun n'a réussi à poser les jalons d'une véritable politique de renouveau du cinéma. Et, hormis la rénovation, longue et coûteuse des trois salles du Maghreb, Saada et El Feth, intervenue entre 2006 et 2007, aucun nouveau projet de réhabilitation de salles de spectacle n'a été officiellement présenté. Il y a bien eu les promesses faites dans le sillage de la première édition du festival du film arabe mais, une fois les lampions éteints, tout avait été oublié et les salles du Maghreb et Saada, ouvertes pour la circonstance, ont rapidement et hermétiquement fermé leurs portes jusqu'à l'édition suivante. On ne sait pas encore si la nouvelle équipe communale d'Oran, née des élections du 29 novembre dernier, ira au-delà du constat pour rouvrir un dossier que personne n'a eu jusqu'ici le courage de traiter. Mais il est clair que la réhabilitation des salles de cinéma constitue l'un des vœux les plus chers des Oranais, du moins ceux qui, en dépit des vicissitudes de la vie, continuent de croire aux vertus de la culture, en général, et du cinéma, en particulier.