L'intervention militaire française au Mali est abondamment couverte par la presse parisienne depuis l'annonce des premières frappes aériennes contre les groupes terroristes. Elle est aussi de plus en plus commentée par les éditorialistes qui s'interrogent moins sur sa légitimité actuelle, reconnue unanimement, que sur sa dimension stratégique, sa donnée régionale, ses visées politiques, ses objectifs et les risques de dérives. Ainsi, dans un dossier publié hier matin, Libération repose la question de la France «Gendarme» de l'Afrique. S'il estime que Hollande «peut se féliciter d'avoir arrêté les talibans des sables», avec une classe politique qui «applaudit cette victoire facile de l'armée française», le quotidien de la gauche soft estime que maintenant le locataire de l'Elysée «doit s'expliquer sur les finalités de son intervention». «Le président socialiste, explique-t-il, se défendait de vouloir être le gendarme de l'Afrique, promettant de rompre avec la Françafrique. Mais en quelques jours, il envoie des troupes en Centrafrique et au Mali, et lance une opération commando en Somalie. Pour l'heure, le gouvernement français reste particulièrement vague sur les buts de cette guerre, l'ampleur et la durée de l'opération ‘' Serval''.» Arrêter «l'irrésistible progression des islamistes ? Reconquérir avec «quelques troupes africaines prête-nom» le nord du pays ? Après avoir posé ces deux questions, Libération rappelle que «le Mali est un pays sans Etat, sans gouvernement ni armée» et que «la force militaire ne peut reconstruire un pays, l'un des plus pauvres du monde».Il ajoute que si «les troupes françaises seront peut-être bien accueillies par une population épuisée… », les Maliens, eux, «ne vont pas supporter, et avec raison, la présence des troupes de l'ancien colonisateur». «Il n'y a pas de solution militaire et, a fortiori, française à la crise malienne», conclut-il. «La France a-t-elle raison d'intervenir au Mali ?», s'interroge Le Monde dans son éditorial du jour où il estime que «Serval» est «le choix du moindre mal». Il souligne la légitimité de l'intervention française mais aussi les risques que fait courir une guerre qui tourne mal car «la guerre a sa propre logique, qui peut être celle d'un engagement sans cesse plus important …. ». «M. Hollande sait tout cela. Il a pourtant pris le risque de l'intervention. Il a eu raison. Il a fait le choix du moindre mal- en l'occurrence le meilleur», estime le quotidien parisien du soir qui écrit en guise de conclusion : «Mais la France ne peut rester seule. Aider le Mali à reconquérir son territoire, c'est d'abord l'affaire des Etats d'Afrique de l'Ouest. Empêcher l'établissement d'un foyer djihadiste au Sahel, c'est l'intérêt de toute l'Europe. ‘'Serval‘' ne doit avoir qu'un temps limité.» Dans leurs commentaires, le quotidien communiste L'Humanité et Le Figaro, de la droite bien trempée, s'entendent pour revenir sur le drame qu'a constitué la guerre livrée à la Libye par la France de Sarkozy qui a outrepassé sa mission, labélisée pourtant ONU, dont le Mali paie aujourd'hui le prix fort. Pour Le Figaro l'intervention actuelle est «la suite logique de l'opération libyenne en 2011». Il souligne : «Il ne s'agit en fait que de la deuxième bataille de la guerre de Libye», explique le général Vincent Desportes, ancien chef de l'Ecole de guerre, «d'une part, parce que la conquête du Nord-Mali s'est faite par des mercenaires revenus au pays après avoir combattu aux côtés de Kadhafi. D'autre part, parce que les islamistes se sont armés en pillant les stocks d'armes libyens à la faveur du chaos qui a accompagné la chute du raïs.» Pour sa part, L'Humanité fait constater que «le peuple malien a durement payé les conséquences de l'aventure guerrière dans laquelle Nicolas Sarkozy a emmené la France contre la Libye, dont l'une des pires conséquences fut la mise en déshérence de milliers d'armes des arsenaux de Kadhafi».