Les arts plastiques restent une discipline culturelle marginale en Algérie, et ce n'est sûrement pas la faute aux artistes peintres qui se démènent comme ils peuvent pour exister à travers leurs œuvres que le monde ignore «royalement». Ces artistes n'ont strictement aucun soutien ; ni de la part des pouvoirs publics, ni des opérateurs économiques, ni même de la société qui a cessé de s'intéresser aux beaux arts depuis notamment la décennie quatre-vingt-dix de feu et de sang. Il faut dire que cette période a été destructrice sur tous les plans et la culture est le secteur qui a payé le plus lourd tribut, particulièrement en infrastructures. A Tizi Ouzou, les artistes peintres ne sont pas nombreux. Pire encore, les rares qui existent ne sont pas visibles. Comment peut-il en être autrement quand les arts plastiques ne font pas vivre les artistes, ni à Tizi Ouzou ni dans les autres wilayas du pays. Les artistes sont contraints de travailler dans un autre secteur pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles. Ils doivent avoir un boulot «normal», car un artiste peintre est perçu comme quelqu'un qui est venu d'une autre planète. Un extraterrestre. Comment pourraient-ils faire autrement quand la seule infrastructure qui abrite des expositions de peinture reste encore et toujours la maison de la culture Mouloud-Mammeri du chef-lieu de wilaya ? Il faut savoir surtout que quand cette institution culturelle accueille des vernissages, rares sont les citoyens qui viennent visiter. En effet, les arts plastiques n'ont pas encore un public consistant dans notre pays et les artistes peintres en sont conscients. D'autant plus que les vernissages qui ont lieu de temps à autre à la maison de la culture Mouloud-Mammeri ne sont même pas couverts par les journalistes, qui ignorent encore cette discipline artistique, alors que les journalistes spécialisés restent inexistants. Cela ne surprend guère les observateurs qui remettent en cause l'abandon par l'école algérienne de l'art et de la culture, les établissements scolaires étant les seuls à même de «fabriquer» non seulement des artistes et des femmes et hommes de culture, mais aussi un public culturel dans chacune des disciplines artistiques et culturelles. En somme, un travail de longue haleine que les responsables du secteur de l'éducation ont abandonné depuis de longues années au profit d'une politique éducative qui ne prend pas exclusivement les intérêts pédagogiques de l'apprenant algérien. Le plus triste à Tizi Ouzou, c'est l'inexistence de galeries d'art privées. Seule une artiste, Mme Nadia Cherrak, a eu l'idée d'ouvrir une galerie où elle expose ses œuvres et celles de jeunes artistes de plusieurs wilayas qui tentent de commercialiser leurs peintures. Et ce n'est pas toujours facile à gérer dans la mesure où les charges sont importantes et les ventes ne sont pas toujours au rendez-vous. Si cela rend indéniablement service aux arts plastiques, puisque la gérante organise de temps à autre des rencontres conviviales autour d'un thé, et avec d'autres artistes de différentes disciplines, l'aspect commercial risque de prendre le dessus sur celui artistique, la pérennité même de cette galerie étant subordonnée aux ventes des toiles exposées et proposées aux «clients». D'autre part, les quelques artistes activant dans la wilaya de Tizi Ouzou ne sont pas toujours libres de leurs mouvements, puisqu'ils sont contraints d'organiser leur vie artistique selon leur disponibilité. Chose qui n'est pas aisée dans la mesure où leur occupation «vivrière» prend tout leur temps. D'ailleurs, les élèves de l'école régionale des beaux-arts d'Azazga choisissent, en partie, l'exil pour faire vivre leur art et en vivre, n'ayant aucun débouché en lien avec les arts, à l'issue de leur formation.