Photo : La Tribune De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati La culture en Algérie est devenue comme n'importe quel produit de consommation proposé au public. Et la similitude ne s'arrête pas là puisque pour tous les produits proposés à la consommation, la qualité est rare, laissant place à toutes sortes de médiocrités qui parasitent un champ culturel que l'Etat a longtemps abandonné, du fait de la crise politique et économique des années quatre-vingt-dix. Vendre un kilogramme de pomme de terre ou une chanson de deux minutes, deux mots et une musique dansante, n'est pas très différent dans l'Algérie d'aujourd'hui. La reprise en main par l'Etat de la question culturelle n'a pas eu lieu de la meilleure des manières. Insuffisante pour certaines disciplines et volontairement désastreuse pour d'autres. Dans la wilaya de Tizi Ouzou, l'exemple du patrimoine est révélateur. Toutes les actions menées par les pouvoirs publics dans le cadre de la promotion et de la sensibilisation autour du patrimoine culturel, historique et archéologique n'ont porté aucun fruit au sein de la population qui continue à tout ignorer tout de cette question. Une population qui n'a eu aucune réaction quand les pouvoirs publics ont décidé de défigurer la mythique grand-rue de Tizi Ouzou par la réalisation de deux trémies qui se sont révélées inutiles. Cette même population massacrait elle-même et impunément les ruines romaines de Tigzirt pour décorer les murs extérieurs des habitations avant que les pouvoirs publics réagissent. Et c'est cette même population qui dit son admiration devant la tour Eiffel, la statue de la Liberté, la tour de Pise et bien d'autres monuments historiques des autres pays de la planète. L'échec de l'Etat réside dans le fait qu'il ne soit pas arrivé à faire intéresser la population à la question du patrimoine alors que la promotion et la sauvegarde du patrimoine dépendent très largement de l'implication du citoyen lambda dans cette démarche. C'est aussi le cas de la musique et de la chanson entièrement parasitées par la médiocrité du rythme et des textes à deux sous. Encore une fois, le public a largement encouragé ce genre de musique, en préférant la danse et la chanson festive et légère à la chanson à texte et à la belle musique. Au point que les amoureux de la belle chanson se voient contraints de se tourner vers la musique et l'art d'ailleurs, principalement des pays occidentaux où la qualité est le premier critère de production de la musique. En somme, le public cherche quelque chose de léger à consommer et c'est pour cette raison que le secteur du patrimoine culturel, historique et archéologique est négligé, étant considéré comme «quelque chose de compliqué à suivre». La réalisation d'un conservatoire de musique peut aider à faire aimer la musique étudiée aux populations, même si cela demande du temps puisqu'il faudra commencer avec des apprenants très jeunes, comme il faudra commencer la sensibilisation autour du patrimoine à l'école à l'adresse des élèves. Dans le même registre, les arts plastiques ne peuvent avoir un public nombreux s'ils ne sont pas vulgarisés et démocratisés de façon optimale. L'abstrait n'étant pas le fort des nouvelles générations, il n'est pas toujours facile de trouver des jeunes intéressés par les arts plastiques. Il n'y a qu'à aller visiter des vernissages organisés sporadiquement à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou ou dans la galerie d'art privée Once de madame Cherrak pour se rendre compte que les artistes et les gens d'un certain âge, et ils ne sont pas nombreux, sont les seuls montrer un certain intérêt et à se «donner la peine» d'y aller. D'ailleurs, les artistes qui ne sont pas impliqués dans cette situation en souffrent beaucoup, particulièrement les artistes peintres que les gens considèrent comme des extraterrestres, car incapables de comprendre les messages que les œuvres veulent transmettre au public. Mais ce n'est pas le cas de certains «artistes» chanteurs qui ont choisi la facilité des chansonnettes légères qui marchent bien. Heureusement que la scène culturelle commence à être occupée par de nouveaux artistes comme Ali Amran, Cheikh Sidi Bémol et Karim Yeddou qui ont décidé de donner un coup de pied dans la fourmilière de la médiocrité ambiante avec de la belle musique et des beaux textes qui font plaisir.