Un vibrant hommage a été rendu récemment à Slimane Azem, l'un des grands artistes kabyles et figure légendaire de la chanson de l'émigration, par l'association Tactikollectif à Toulouse. L'association a voulu, à travers cet hommage, reconnaître «l'œuvre et la portée» de «Da Slimane» décédé à Moissac près de Toulouse en janvier 1983. Les organisateurs précisent à cet effet que Slimane Azem a laissé derrière lui «une œuvre monumentale et des chansons devenues de véritables témoins de la vie quotidienne, des préoccupations et de la nostalgie de ces hommes et femmes qui pensaient alors que l'exil ne durerait pas», rapporte l'APS. A l'occasion de cette manifestation qui a duré trois jours, un jardin public a été baptisé du nom de Slimane Azem. Le maire de la ville de Moissac a déclaré à cette occasion : «L'hommage rendu à Slimane Azem est pour nous l'occasion de faire découvrir la culture et l'identité berbères au travers des actions artistiques et culturelles, mais aussi d'aborder le thème de l'exil dans sa perception universelle.» Cet hommage de la ville de Moissac «est une reconnaissance qui est allée droit au cœur de ses proches, de tous ceux qui l'ont aimé et l'aiment encore, mais aussi une contribution à inscrire dans le patrimoine commun l'œuvre de cet immense artiste», expliquent les organisateurs. Il y avait également au menu de cet hommage la projection d'un film consacré à la vie du célèbre chanteur, une table ronde et un concert animé par le chanteur Idir. Ce dernier a estimé que «rarement un artiste aura été dans une telle communion avec son public et plus encore avec sa terre natale. Ensuite, à lui seul, il est l'émigration personnifiée. Fabuliste, visionnaire, il reflète, avec une précision étonnante, la conscience populaire». Poète, compositeur et interprète kabyle, Slimane Azem est né le 19 septembre 1918 à Agouni Gueghran. Issu d'une famille modeste de paysans, il rejoint le monde de travail dès 11 ans avant d'émigrer en France en quête d'un avenir meilleur, en 1937. Face à la dure réalité de l'exil et à la nostalgie des montagnes de sa Kabylie natale, il se réfugie dans le chant et la poésie de sa langue maternelle. Il connaîtra rapidement le succès, au début des années 1940, avec sa chanson A Muh a Muh consacrée à la condition de vie des émigrés. Elle servira de prélude à un répertoire riche et varié qui s'étend sur près d'un demi-siècle. Au-delà de la chanson d'exil et de titres intemporels tels que la Carte de résidence et Algérie, mon beau pays, Slimane Azem s'est également distingué par une verve incisive avec laquelle il défendait la cause de l'identité amazighe et anticoloniale. A titre d'exemple, la chanson Effegh a ya jradh tamurthiw (Sauterelles, quittez mon pays) dénonce la colonisation. Jusqu'à sa mort, il sera fidèle à son engagement pour les causes revendicatrices, tel que l'illustre l'une de ses dernières chansons Ef taqbaylit yuli was (le Jour se lève sur la langue kabyle) dédiée aux manifestation du Printemps berbère de 1980. Pour conclure, l'association Tactikollectif a honoré la mémoire du légendaire chanteur de l'exil à travers cet hommage, telle une réponse par-delà le temps et l'espace à la volonté de Slimane Azem qui clamait : «A vous les jeunes, donnez-moi votre parole d'honneur, je vous ai laissés pour continuer comme si j'existais éternellement.» S. A.