Entre les intentions et la réalité sur le terrain, un fossé difficile à combler pour l'instant. Le programme de santé scolaire, qu'il soit parfait ou encore défaillant, peine encore à glaner quelque résultat probant. Les moyens adoptés par ce programme ne correspondent pas à l'immensité de la tâche. Pour l'heure, les unités de dépistage et de suivi (UDS) répondent à une seule mission, le dépistage ou le constat. Là aussi, leur nombre insuffisant ne leur permet pas d'accomplir cette mission comme il se doit. Tout d'abord dans la périodicité, les visites de contrôle étant effectuées de manière irrégulière. Ensuite dans le manque de suivi systématique après le dépistage. Le diagnostic n'aboutit pas toujours à une prise en charge dans ces unités, qui sont dépassées par le nombre d'élèves, faute de moyens humains et matériels. Un autre aspect de la prise en charge des potaches en matière de santé scolaire mérite d'être relevé. C'est celui de la prise en charge immédiate dans les cas de blessures au sein des établissements scolaires. Là aussi, les défaillances sont nombreuses, on se contente de colmater les brèches. Sans jeu de mots puisque rien n'existe pour le faire dans le cas d'une plaie. On se contente de ne rien faire. Il n'y a pas d'infirmerie là où il est censé y en avoir, là où des dizaines d'enfants et d'adolescents débordant d'énergie s'agitent et se bousculent les uns les autres. Une chute, un geste malencontreux de la part d'un élève vis-à-vis d'un autre, et c'est parfois le drame. Des responsables d'établissement se retrouvent incapables de réagir face à de telles situations, une inaptitude qui s'apparenterait presque à une non-assistance à personne en danger. Les responsables et les enseignants renvoient les élèves chez eux après une blessure, se lavant ainsi les mains de leur responsabilité alors que l'accident est survenu dans l'enceinte de l'établissement. Les exemples sont légion, des témoignages en font preuve. La tempe ouverte, Fatah, élève de 4e année moyenne, dans un CEM de la capitale, a dû attendre que son père arrive pour être transporté à l'hôpital. «Une camarade de classe m'a blessé par inadvertance alors qu'elle agitait un objet contondant. Elle ne m'a pas vu arriver et cela a été le drame. Le médecin se trouvait là par hasard alors qu'elle était souvent absente, mais c'était pour me dire sur un air détaché que ce n'était pas grave, avant qu'elle ne rebrousse chemin. Ce sont les enseignants et les surveillants qui ont tenté de me rassurer en essuyant le sang qui coulait sur mon visage, et un de mes professeurs qui m'a appliqué de la Bétadine». Fatah est encore sous le choc aujourd'hui, quelques mois après l'incident. Il dit ne pas comprendre l'inertie du médecin et du responsable de l'établissement qui « n'ont pas appelé une ambulance pour une évacuation à l'hôpital. Ils ne l'ont pas fait alors que c'est leur devoir et que je perdais du sang. Mon blouson était complètement maculé. Au lieu de cela, ils ont appelé mon père pour lui demander de venir au collège me récupérer, en invoquant une petite fatigue. C'est de la non-assistance à personne en danger. C'est une fois sur place qu'il a constaté la gravité de mon cas. Il m'a transporté à l'hôpital où on m'a fait trois points de suture». Les cas de démission des responsables d'établissements scolaires en pareils cas ne manquent malheureusement pas. Comment qualifier le comportement de ce directeur et de ces enseignants qui ont renvoyé chez lui un élève blessé à la tête par des débris de verre après l'éclatement d'une vitre le jour de l'attentat de Ben Aknoun. «Ils m'ont tout simplement dit de rentrer chez moi alors que je perdais du sang, sans même désinfecter mes plaies», se souvient Faouzy, alors qu'une autre élève, Nihad, s'insurge encore aujourd'hui contre le fait que, dans son cas aussi, rien n'a été fait le jour où elle a eu une fracture. Dans de nombreuses situations du même genre, c'est la solidarité entre élèves qui agit généralement. En plus du soutien moral pour un camarade qui se trouve dans une telle situation, ce sont eux qui appellent les parents. Tout comme l'ont fait les camarades de Asma, laquelle, malade, a été abandonnée à son sort. «Ni les enseignants ni l'administration n'ont appelé ma famille au téléphone alors qu'ils avaient le numéro de mon père. Ce sont des élèves qui avaient avisé mes parents.» La situation dans les établissements scolaires en matière de prise en charge de la santé des élèves est loin d'être reluisante, les parents s'accordent à le dire. «En tout et pour tout, l'école ne dispose que d'un flacon d'alcool, de mercurochrome et du coton. Et qu'on ne nous sorte pas l'argument de moyens, car nous nous acquittons chaque année d'une somme de 35 DA et lorsqu'il y a 800 élèves, il y a assez d'argent pour se doter en médicaments et en matériel», affirment des parents, qui déplorent l'absence d'infirmerie dans les établissements scolaires. R. M.