Si, après presque deux siècles de ségrégation raciale, les Etats-Unis d'Amérique ont élu le premier président noir de leur histoire, si, après un monopole qui aura duré près d'un siècle, l'organisation d'une Coupe du Monde de football est enfin passée entre les mains d'un pays africain, alors pourquoi pas un pape noir ? Dans l'immédiat, et selon les spécialistes, la voie est plutôt ouverte à un homme qui serait issu de l'église sud-américaine quoi que candidats ghanéen, burkinabé et congolais gardent intacte leur chance d'avoir désormais leurs appartements au Saint-Siège. «Et pourquoi pas un pape jaune ?», s'est autorisé à le rappeler un auteur français spécialisé de l'étude des religions tout en ajoutant : «Qui au pays du Ku Klux Klan, aurait dit qu'un jour un homme de couleur entre à la Maison-Blanche ?» Sauf que, semblerait-il, la perception par l'église africaine de la religion catholique, et notamment des cardinaux en place, serait réactionnaire, rétrograde, médiévale même. Du coup, ce serait donc tous ces oripeaux prêtés à l'église qui auraient contribué à rompre la foi chez les fidèles et que Jean Paul II, d'abord, et Benoit XVI, ensuite, se seraient évertués à «casser» pour introduire graduellement la modernité. Preuve en est, celui qui vient de renoncer à sa charge épiscopale ne se refusait pas le plaisir de tweeter de temps à autre. Mais il est vrai également que ce dernier avait bien besoin de se rattraper sur certains dérapages commis lors de ses adresses aux fidèles. Il n'en demeure pas moins certain que l'Afrique et l'Amérique latine, autrement dit leurs peuples, et ce aux yeux du Saint-Siège, gagnent en foi d'une manière phénoménale après avoir souffert, il y a des siècles, d'une évangélisation parfois, si ce n'est toujours, imposée par les souffrances et souvent jusqu'aux pratiques génocidaires. Or, même si la religion chrétienne et le catholicisme semblent être considérés comme un patrimoine spirituel profondément européen pour le Vatican, la crainte d'une désertification religieuse rampante dans le Vieux continent est de plus en plus présente dans les milieux de la papauté. Vraisemblablement le «mariage pour tous» adopté dans une majeure partie des pays dudit continent ferait sérieusement vaciller Rome, d'où l'éventualité de la désignation d'un pape noir qui, par la loi du nombre des fidèles sur le continent et leur évolution exponentielle incontestable, contribuerait à maintenir le rapport de forces en faveur des croyants par rapport aux athées et autres gnostiques, agnostiques. Le ré-universalisme de la religion ne viendrait donc finalement que des deux continents sus énoncés. Quoiqu'il en soit, en rendant public son renoncement, Benoit XVI annonce, après les avancées timides engagées par son prédécesseur dans la modernisation de l'église à commencer par le Saint-Siège, que plus jamais ce ne sera comme avant et que, désormais, celle-ci est bel et bien obligée de s'adapter à un monde extérieur qui évolue, ce qui est normal, mais qui évolue toutefois en dehors de la bulle religieuse et, depuis l'avènement du 3e millénaire, dans le sens opposé à tous les dogmes religieux réputés jusque-là inébranlables.