Grand Dieu ! Mais quelle mouche a donc piqué le pape Benoît XVI pour nous (re)plonger si maladroitement et malgré nous dans une terrible guerre froide des religions ? Personnage presque sacré, y compris dans l'imaginaire collectif des musulmans, le nouveau pape a malheureusement ôté son habit ecclésiastique pour enfiler l'uniforme de guerrier. En établissant une relation de cause à effet entre l'Islam et la violence, Benoît XVI a ouvert un autre front dans cette croisade contre les musulmans et leur religion, rendus coupables de tous les maux de l'humanité. Il rejoint les raccourcis de quelques politicards en mal d'inspiration et les extravagances de certains caricaturistes en quête de célébrité. Il faut dire que le pape a blessé là où l'on attendait le moins. Ou pas du tout. Habitué aux discours gorgés d'humanité et empreints d'altruisme de l'homme de paix que fut Jean Paul II durant ses 25 années de papauté, le monde musulman est d'autant plus choqué par cette bombe lancée par son successeur au Saint-Siège. On peut toujours trouver des circonstances atténuantes pour le nouveau pape, gloser sur une prétendue déformation de ses propos, mais les faits sont têtus. Graves pour un souverain de ce rang qui exerce une autorité morale sur plus d'un milliard de fidèles. C'est un peu comme si le pape désignait à la vindicte mondiale les musulmans et leur Prophète. Et à ce niveau de responsabilité politique et morale, Benoît XVI ne peut faire valoir aucune planche de salut pour se dédouaner de son propos presque démoniaque. Dans un monde en butte à un véritable choc des religions et à la résurgence des extrémismes, il eut été plus inspiré de prêcher la paix et la coexistence pacifique au lieu de désigner si directement la cible comme il l'a fait en Allemagne. Benoît XVI vient de donner l'onction religieuse à une croisade politico-militaire que mène le président américain George Bush et ses alliés britanniques contre « l'axe du mal ». Cette conception manichéenne aux allures racistes des relations internationales de Bush trouve paradoxalement un ancrage et une couverture inespérée dans les conciles du Vatican… Le constat vaut également pour le journal danois qui, il y a une année –curieuse coïncidence– a publié des caricatures qui présentaient le Prophète (QSSL) dans la posture d'un terroriste. Tout se passe comme si les Occidentaux éprouvent un plaisir irrépressible de casser de l'arabe, du musulman surtout. Braver l'interdit devient ainsi une nouvelle religion de ceux qui auraient intérêt à aiguiser les rancœurs et solidifier les rancunes entre le nord judéo-chrétien et le sud musulman. Le contexte international se prête en tout cas parfaitement à ce genre d'excès qui rendent ce dialogue des religions en gestation un peu plus sourd qu'avant. Il va sans dire que la diatribe du pape va raviver la flamme anti-musulmane quelques jours après la commémoration du 5e anniversaire des attentats du 11 septembre. Pour les familles des victimes aux Etats-Unis et partout ailleurs, Benoît XVI, le père des chrétiens, a désigné le coupable : l'Islam, qu'il a décrété « religion de violence ». Et c'est véritablement un jugement dernier que vient de prononcer le « Commandeur des croyants » devant ses disciples contre les musulmans. A Dieu ne plaise…