La communauté internationale a adopté, lundi soir dernier, un plan d'action estimé à plus de dix millions de dollars pour la sauvegarde et la réhabilitation du patrimoine culturel matériel et immatériel du Nord du Mali qui a souffert des exactions des groupes islamistes, a annoncé l'Unesco. «Le coût global de ce plan d'action qui couvrira le patrimoine culturel matériel et immatériel, est estimé entre 10 et 11 millions de dollars […]. Je retourne au pays en homme comblé avec beaucoup d'espoirs», a déclaré le ministre de la Culture du Mali, Bruno Maïga, lors d'une conférence de presse animée au terme d'une réunion internationale d'experts, organisée au siège de l'Unesco à Paris. Un compte spécial a été créé par la Directrice générale de l'Unesco, Mme Irena Bokova, pour permettra aux gouvernements et donateurs privés à verser leurs contributions pour aider à l'effort de sauvegarde, a-t-il précisé. Selon l'Unesco, le premier objectif du plan d'action est de «réhabiliter le patrimoine culturel endommagé pendant le conflit» - mausolées et cimetières de Tombouctou, tombeau des Askia à Gao, etc.- une mission évaluée à 5,1 millions de dollars. Il s'agira ensuite de «mettre en place des mesures pour sauvegarder les manuscrits» de Tombouctou, par la reconstruction d'un bâtiment de l'Institut des hautes études et de recherches islamiques Ahmed Baba saccagé par les islamistes ou la numérisation des documents, pour un coût estimé à 3,9 millions de dollars. Il faudra enfin agir pour une «sauvegarde durable du patrimoine» (formation des professionnels et des communautés locales, lutte contre le trafic illicite, etc.) pour 1,7 million de dollars. L'Unesco enverra une mission «dès que les conditions de sécurité seront réunies dans le nord du Mali» pour entamer le travail d'évaluation des dégâts qui ont affecté ce patrimoine culturel. A Tombouctou comme à Gao, les groupes islamistes armés s'en sont pris autant aux personnes qu'au patrimoine endommageant et détruisant sites et objets patrimoniaux dont certains sont classé patrimoine mondial. Ils ont également cherché à détruire les remarquables bibliothèques du pays. Les collections de manuscrits de Tombouctou constituent un patrimoine inestimable d'environ 300 000 documents, dont beaucoup datent de l'âge d'or de la ville, du XIIe au XVe siècles. Avant d'être chassés de la ville, les terroristes ont brûlé quelque 40 000 manuscrits. «On n'a pas encore une estimation précise des dégâts sur les manuscrits», a reconnu Samuel Sidibé, directeur du Musée national de Bamako, même si M. Maïga a estimé que 95% d'entre eux avaient été sauvés. En effet, environ 30 bibliothèques privées, tenues par les mêmes familles depuis des siècles, détiennent la plupart des manuscrits anciens de Tombouctou. Une organisation non gouvernementale Savama-DCI a travaillé avec ces bibliothèques privées. Depuis le début du conflit, l'Unesco a fait campagne auprès des autorités des pays voisins du Mali pour mobiliser leur soutien dans la prévention du risque de trafic des biens culturels du pays, dont les anciens manuscrits. L'Organisation a également mobilisé le soutien de la Norvège pour la reprise des activités de sauvegarde des manuscrits et ce pays a offert 170 000 dollars pour ce projet. Ce travail a porté sur la préservation des manuscrits dont la plupart sont dans un mauvais état, par leur numérisation afin de mettre à l'abri ces documents fragiles d'un usage fréquent qui risque de les détériorer. Un autre volet du projet concerne la formation des experts afin qu'ils puissent appliquer les techniques de conservation les plus récentes sur place. Dans le cadre du plan d'action adopté, la Bibliothèque nationale de France participera à la sauvegarde des manuscrits alors que l'Institut français du Patrimoine se chargera de la formation de professionnels sur place. D'autres pays dont l'Afrique du Sud, la Norvège et le Luxembourg ont déjà annoncé leur soutien à certains aspects du plan d'action. En plus des manuscrits, Tombouctou compte trois grandes mosquées, Djingareyber, Sankoré et Sidi Yahi, ainsi que les 16 mausolées qui sont inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1988. En 2004, le tombeau des Askia dans la ville de Gao fut à son tour inscrit. Suite à la destruction de 11 des mausolées, et des portes de Sidi Yahi, en juillet dernier, les deux sites ont été inscrits sur la liste de l'Unesco du patrimoine mondial en danger.