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105 élèves du lycée des mathématiques à Kouba observent une grève de la faim 45 autres l'ont quitté à cause des «mauvaises» conditions d'études et d'hébergement
Photo : Sahel Par Karima Mokrani Les élèves du Lycée national des mathématiques à Kouba (Alger) vivent une situation de grande détresse. Les promesses faites par les responsables du ministère de tutelle de leur assurer les meilleures conditions qui soient pour une scolarité exemplaire, s'avèrent une vaine espérance. Désillusion et profonde déception depuis les premiers jours de la rentrée scolaire 2012/2013. «Ce n'est pas ce qu'ils nous ont dit lorsqu'ils nous ont proposés d'inscrire nos enfants dans cet établissement. Les meilleurs enseignants, le meilleur programme, un bureau pour chaque élève, des espaces de loisirs…et même une piscine. Rien de tout cela n'est vrai. Je suis profondément déçue et triste pour les enfants», rapporte une mère dont l'enfant vient de quitter définitivement l'établissement. «Il ne veut pas rester, je ne peux pas m'opposer à sa décision. Lui sait mieux que moi ce qui se passe à l'intérieur», poursuit-elle. L'enfant retourne chez lui, dans une wilaya de l'intérieur du pays et ses parents ont déjà entrepris les démarches nécessaires pour le placer ailleurs. Au dernier examen du BEM (juin 2012), il était classé deuxième au niveau national, avec une moyenne qui dépasse les 19,20. Le ministre lui a remis un ordinateur portable. La directrice de l'établissement le lui a retiré à sa sortie. «Je ne vous signerai pas le bon de sortie avant que vous ne me donniez l'ordinateur portable», lui a-t-elle exigé, selon les déclarations de sa mère. Et celle-ci de déplorer : «Il faut voir comment ils sont traités par cette directrice. Elle ne leur laisse aucune chance de se défendre et d'exprimer leurs doléances.» Et il n'y a pas que la directrice, se plaignent les enfants. «Un représentant du ministère est venu nous voir, mais au lieu de nous écouter il s'est mis à nous insulter et nous dire que si ça ne nous plaît pas de rester ici nous n'avons qu'à retourner chez nous.» Le même responsable va loin, les traitant d'enfants «mal élevés» et de «traîtres». Hier, 105 élèves du lycée ont observé une grève de la faim sur un ensemble de 150 inscrits au début de l'année. Les autres ont pris leurs bagages, il y a quelques jours, le dernier celui classé deuxième au niveau national à l'examen du BEM 2012. Ils sont partis avec l'idée de ne jamais remettre les pieds dans cet établissement qui, pourtant, a ouvert ses portes pour la première fois cette année et est destiné aux premiers lauréats. Trois lauréats de chaque wilaya. Le projet a tout l'air de tomber à l'eau. «Les enseignants sont de faible niveau, rien à voir avec ce qu'ils nous ont promis. En plus, ils se comportent mal avec les enfants. C'est le comportement agressif de l'un d'eux, envers une élève, qui a justement déclenché cette colère chez les enfants. Il lui a dit des mots blessants qu'elle avait du mal à supporter. Elle s'est évanouie dans la salle de classe, devant le prof et devant les élèves», rapporte une autre mère. Une autre se plaint de la surcharge des programmes : «De 8h à 17h30, c'est trop. Ce n'est pas ce qu'ils nous ont dit. Ils nous ont promis un programme adapté et des horaires flexibles. Les enfants sont surmenés.» Pour les enfants, abordés hier au niveau de l'établissement, à travers des barreaux, loin du regard des agents de l'administration (ils n'ont pas le droit de sortir sauf les week-ends et en compagnie de leurs parents ou d'autres tuteurs), «c'est le calvaire pour nous». Au lieu des chambres, ils se trouvent entassés dans un «dortoir», dans «une totale anarchie». Personne pour les surveiller, les obliger à dormir tôt pour se lever tôt et être en forme pour une nouvelle journée de cours, rapportent d'autres parents. Pas de médecin et l'infirmière peu présente, toujours selon les témoignages des parents. Pire, ni télévision (un petit téléviseur juste pour le décor) ni Internet, complètement coupés du monde. «C'est une prison, ce n'est pas un établissement pour une élite intellectuelle», dénoncent d'autres. Voyant les enfants en grève de la faim, des citoyens s'écrient : «Des moyennes de 18 et de 19/20. Ce n'est pas rien ça. Au lieu de leur offrir les meilleures conditions, ils les démotivent. Ils les brisent. Ils préfèrent les voir dans un autre milieu, celui de la toxicomanie et de la débauche.» Et un autre citoyen de lancer, avec indignation : «Ils ont peur qu'ils leur prennent leurs places. Ils sont trop difficiles les gens qui nous gouvernent.» Ce qui est plus difficile, c'est de laisser les enfants faire une grève de la faim. Aucune réaction officielle du département de Abdelatif Baba Ahmed pour arrêter cette grève et l'hémorragie des départs. Encore moins de la part des syndicats qui affirment ne pas être au courant des conditions d'enseignement et d'hébergement dans ce lycée. Une fermeture de l'établissement n'est pas à écarter si les enfants continuent à se plaindre des «mauvais traitements» et se décident de retourner chacun dans sa wilaya. Cela se passe au moment où le ministre engage une large concertation sur les problèmes du secteur et les entraves à la bonne mise en œuvre de la réforme.