Depuis les années 1970 le prix du kilogramme de viande rouge a été multiplié par quatre-vingt. Il atteint actuellement la moyenne de 900 dinars, avec des pics de 1 200 à 1 300 dinars quand il s'agit des quartiers de viande dits nobles. Quant au prix de la viande blanche, il atteint, lui, durant certaines périodes de l'année, des niveaux astronomiques. De nombreux observateurs soutiennent qu'il n'est pas admissible que le kilo de viande de mouton et/ou de poulet atteigne de tels niveaux dans un pays qui compte plus de 20 millions de têtes ovines et un outil de production avicole conséquent. Quant à la (ou les) raison(s) de ces hausses exorbitantes des prix des produits carnés frais affichés sur les étals des détaillants, beaucoup d'acteurs du secteur et spécialistes proches du dossier sont convaincus que la principale cause vient du fait que le marché de la viande fraîche est peu fluide et se caractérise par l'importance des marges commerciales qui grèvent lourdement les prix à la consommation. D'autres pointent «le dysfonctionnement dans les circuits de distribution qui fait qu'entre le prix à la source, celui du gros et celui du détail, l'écart est astronomique. L'Etat absent, la spéculation joue». «Une reconstitution des coûts et des prix à différents stades des filières production animale sur un circuit long, depuis le lieu de production jusqu'au marché de consommation donne un ordre de grandeur du partage des marges et du rapport de force entre les acteurs de la filière», expliquent-ils. Mais quelles que soient les raisons et causes de ces envolées des prix, c'est les consommateurs, notamment les petites bourses, qui sont les plus pénalisés et c'est eux qui en font les frais. Autre particularité du commerce des viandes rouge et blanche : les prix des viandes ovine et bovine ne cessent de grimper, et quand ils régressent quelque peu ce n'est qu'une accalmie provisoire car la tendance à la hausse reprend de sitôt. Il devient donc difficile de se faire une idée claire sur les raisons réelles de ces importantes fluctuations dans les prix. Une hypothèse qui tient la route est toutefois avancée, sur la base d'un constat de terrain : les rendements et la production ont connu un fort recul ces dernières années alors que la demande en viandes blanches augmente au rythme de la croissance démographique du pays, ce qui ne pouvait que provoquer un déséquilibre entre l'offre et la demande. L'écart ne peut que se creuser encore, du moins tant que la régulation du marché n'est pas effective, et elle ne le sera pas tant que l'aviculture, pour ce qui concerne la viande blanche, n'est pas véritablement prise en mains dans le but de rendre cette dernière largement accessible aux ménages. D'ici là, il faudra espérer que la dernière mesure prise par le ministère de l'Agriculture et du Développement rural de mettre sur le marché d'importantes quantités de poulet conditionné ne se limitera pas à la seule période du mois de Ramadhan. Car ce ne sera là qu'un palliatif conjoncturel et il faudra mettre en œuvre un système de convention entre l'abattoir avicole et les éleveurs, lequel, selon le comité interprofessionnel de la filière avicole (Cifa), permettra de mettre à la disposition des consommateurs du poulet de chair de qualité et à un prix accessible aux petites bourses. En ce qui concerne le produit carné rouge frais, on peut dire que l'absence de cadre institutionnel et d'instruments de régulation appropriés n'autorise pas encore une organisation transparente des marchés du bétail et de la viande, en dépit de la libération totale de la commercialisation. Rappelons au passage que les pouvoirs publics avaient, à l'époque, autorisé les importations de viande congelée en espérant que cela allait freiner quelque peu la courbe ascendante des prix de la viande rouge locale, mais c'était peine perdue puisque plus les volumes importés s'élevaient plus les prix de la viande fraîche augmentaient. Les importations n'ont pas eu d'impact sur le marché de la commercialisation. Les pouvoirs publics ont d'ailleurs vite compris que la solution est à chercher ailleurs. Et elle est dans une meilleure organisation du marché de la viande. C'est le rôle de l'Etat. Et selon certains consultants, la première action devra cibler la chaîne de marché à bestiaux car à ce niveau les pouvoirs publics n'interviennent ni par une réglementation précise, ni pour une régulation de l'offre. On a bien créé dernièrement la société algérienne des viandes rouge (Alviar) pour justement réguler l'offre sur le marché. La question aujourd'hui est de savoir si elle y parviendra. On ne le saura qu'une fois que cette société entrera en activité. D'ici là, les consommateurs vont continuer à pâtir de cette déréglementation qui met la viande hors de leur portée. Une question s'impose : jusqu'à quand devront-ils tolérer l'absence de l'Etat ?