De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati Sur la scène culturelle, il y a des acteurs qui perçoivent de l'aide à profusion et d'autres qui se contentent d'espérer attirer l'attention des autorités publiques pour des petits gestes susceptibles de sauver leurs activités et même leurs structures associatives. Dans cette seconde catégorie, on trouve même ceux qui sont capables de toutes les courbettes pour avoir quelques subventions ou privilèges. Mais il y a aussi ceux qui n'attendent rien de personne et surtout pas de l'Administration qui les a condamnés sans jugement pour des raisons relatives au politiquement correct ou même parfois au «socialement correct». Ni leur vocabulaire ni leurs habitudes comportementales et vestimentaires ne sont faits pour arranger les choses entre eux et les responsables des pouvoirs publics. Les adeptes de la culture underground, qui se concentre et s'exprime principalement dans la culture urbaine, font partie de ces acteurs culturels qui refusent d'intégrer le moule imposé par l'Administration. Activant en marge des circuits culturels classiques, ces jeunes s'adonnent à leurs activités préférées que ce soit la chanson rap, la danse hip-hop ou même le tag. Dans la wilaya de Tizi Ouzou, ils ne sont pas très nombreux à s'impliquer dans cet «art non reconnu». Le groupe le plus en vue dans cette région du pays reste l'incontournable «Makizard Prod» qui regroupe des rappeurs, des break-dancers (danseurs de hip-hop) et des taggers. Parmi eux, le chanteur et compositeur Deadman, alias El Marhoum qui a fini, il y a quelques mois, ses études …d'ingénieur en Génie civil à l'Université de Tizi Ouzou. Lui, il compose des chansons rap de la vieille école (old school) et parfois même la musique et enregistre son œuvre au niveau du home-studio de Makizard Prod. Il ne cherche même pas à signer avec des éditeurs, considérant vraisemblablement que ce serait trop conformiste. Et ce genre de groupes et d'artistes trouve la parade pour faire connaître leurs œuvres, en utilisant bien entendu les nouvelles technologies, que les pouvoirs publics n'arrivent pas encore à adopter, comme le montrent les différents classements internationaux dans lesquels les responsables de l'Etat algérien sont parmi les derniers. Donc, El Marhoum et ses complices de Makizard Prod ont choisi le Net tape (cassette du Net) pour vulgariser les chansons engagées produites. Après enregistrement, les chansons sont tout simplement diffusées sur le Net, notamment sur Youtube, et propagées à travers particulièrement les réseaux sociaux. Ses thèmes sont bien entendu revendicatifs et dénonciateurs et évoquent le politique et le social, et l'une de ses chansons phares reste «Hawlik el vote» (Voilà le vote), un véritable réquisitoire-dérision contre les élections législatives du 10 mai 2012. Il a également composé la chanson «Rak chayef» qui dénonce les disparités entre les pauvres et «charika» ou les riches. Aujourd'hui, il compte entre dix et douze chansons qui auraient pu constituer un album à éditer, mais le jeune ingénieur trouve ce circuit un peu trop classique à son goût et préfère rester loin des conformismes ambiants encouragés par les pouvoirs publics et leurs différents satellites culturels. Il y a également le groupe Béton Bled mis sur pied en 1998 et qui est la source de Makizard Prod. Les difficultés rencontrées par le groupe pour enregistrer les premières chansons rap ont amené ses membres à cotiser pour se payer le matériel nécessaire pour des enregistrements. Après quelques années, le home studio a été acheté et Makizard Prod est né avec toutes ces composantes de rap (Béton Bled), de break (Kamikaze Crew) et bien entendu de tag. Selon l'un des membres de ce groupe qui est en stand by en raison de l'indisponibilité de certains de ses membres, un album a été enregistré avec des thèmes parfois engagés et d'autres mélancoliques, notamment «54-62» qui évoque la guerre de libération nationale et la confiscation de l'indépendance. Le groupe a fait comme Deadman El Marhoum en refusant de chercher à signer avec des éditeurs.