Dans moins de deux mois, l'Algérie célébrera la 20e édition de la Journée mondiale de la presse dans un contexte marqué par une nette dégradation des conditions d'exercice de la profession des journalistes qui, entre autres difficultés, font face à un terrible verrouillage de l'information au niveau des administrations publiques. A contre-courant des engagements officiels et des impératifs imposés par une gestion moderne des affaires publiques, laquelle exige une communication ouverte et transparente, de nombreuses administrations se sont délestées des cellules de communication qui, si elles n'avaient pas toujours le pouvoir d'agir avec un minimum d'autonomie, y compris sur des aspects aussi ordinaires que la vulgarisation de statistiques, offraient, cependant, aux représentants de la presse un interlocuteur officiel qui les distinguait de la grande masse des administrés. Aujourd'hui, bien que missionné dans un cadre professionnel officiel, le journaliste est tenu de faire le pied de grue pour accéder à l'information, au même titre que le simple citoyen venu introduire ou retirer un document. Et bien souvent, l'administré repart longtemps avant que le reporter n'ait réussi à arracher son info, parce que le président, le directeur ou le P-dg…, bref, le premier responsable de ladite structure est désormais le seul et l'unique personne autorisée à communiquer avec la presse. Cela, lorsque les administrations territoriales des 47 wilayas ne renvoient pas carrément l'importun journaliste au ministère de tutelle ou à la direction générale qui, eux, se trouvent dans la capitale, ce qui ne veut pas pour autant dire qu'à Alger le journaliste pourra recueillir les informations recherchées. C'est dire qu'en termes de verrouillage de l'information, il est difficile de trouver meilleur et plus rodé comme dispositif de rétention. Pourtant, tous les textes et toutes les législations du monde, y compris la nôtre, consacrent le droit du journaliste à accéder à l'information pour permettre aux citoyens de savoir ce qui se passe dans leur pays et de choisir celui qui les gouvernera et ceux qui les représenteront en connaissance de cause. «L'Etat veille à la garantie de la promotion de la diffusion de la presse écrite sur tout le territoire national, en vue de permettre l'accès de tous les citoyens à l'information» ; «Toutes les instances, les administrations et les institutions sont tenues de fournir au journaliste toutes les informations et les données qu'il demande de manière à garantir au citoyen le droit à l'information […]», stipule notamment la loi organique n° 12-05 du 12 janvier 2012 relative à l'Information dans ses articles 36 et 84. Et même si ce droit est conditionné par un certain nombre de restrictions liées à la nature de l'information (celle-ci ne doit pas toucher le secret de défense nationale, la souveraineté nationale, la sûreté de l'Etat, le secret de l'instruction judiciaire et les intérêts stratégiques du pays), il y a suffisamment de marge pour que le journaliste accède à l'info locale, régionale et nationale d'intérêt pour le public. Or, force est de reconnaître que l'accès à l'information a nettement régressé depuis que, sous différents prétextes et au travers de divers stratagèmes, des responsables locaux se sont arrogés le droit de restreindre la communication et l'information sur les activités et le fonctionnement de structures dont ils ont, certes, la charge mais qui ne leur appartiennent pas ; et de dénier ainsi aux citoyens, les véritables propriétaires, le droit de veiller et de contrôler en toute souveraineté, comme l'exige la Constitution algérienne. A moins de vouloir suggérer que les scandales qui frappent Sonatrach soient à l'origine de ce verrouillage agressif et de la peur panique de l'information, les administrations publiques se doivent de rétablir la communication, seul et unique moyen de lever les équivoques et les malentendus, et de prévenir les interprétations, les fausses lectures et les manipulations. S. O. A.