Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati
Quand le ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques, Sid Ahmed Ferroukhi, a effectué sa visite d'inspection dans la wilaya de Tizi Ouzou le 26 février dernier, d'aucuns s'attendaient à des décisions fermes qui mettraient fin aux difficultés rencontrées par notamment le port mixte d'Azeffoun, 70 kilomètres au nord-est du chef-lieu de wilaya. Cette attente générale et cet espoir s'expliquent par le fait que cette visite ministérielle intervenait après plusieurs visites effectuées par son prédécesseur, Abdellah Khanafou, qui avait promis de trouver des solutions à tous les problèmes que lui avaient soulevés les marins-pêcheurs et autres porteurs de projets dans la pêche et l'aquaculture. Mais à l'issue de cette visite, la déception se lisait sur les visages de tous les concernés qui se sentaient obligés de venir accoster le membre du gouvernement pour, encore, rabâcher les mêmes doléances qu'il y a quelques années. Donc, cette visite ministérielle n'a fait que confirmer ce que les visites de son prédécesseur ont montré. Elle a confirmé que le développement de la pêche dans la wilaya de Tizi Ouzou n'est pas encore pour demain et les investissements engagés, notamment dans le port mixte d'Azeffoun, risquent de se retrouver dans le chapitre «pertes et profit». Et le pessimisme n'est pas expliqué seulement par le constat que les choses ne se font pas correctement dans le secteur, mais surtout par l'impression donnée par le ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques que, pour l'instant, la navigation à vue est la seule politique en vigueur. Dans ce sens, Sid Ahmed Ferroukhi a rappelé la nécessité de coordonner les actions de trois secteurs pour une meilleure gestion du port. «Il faut améliorer le service public, notamment ses infrastructures. Il faut également qu'il y ait une meilleure coordination. Les ports sont construits par la direction des travaux publics, ils sont gérés par le secteur des transports et utilisés par des pêcheurs. Il faudrait que les trois secteurs se réunissent pour discuter de manière permanente», a affirmé le ministre lors d'un point de presse animé dans un hôtel de la côte. A l'exception de quelques mots qui ont pris une forme différente, c'est exactement ce qu'a déclaré Abdellah Khanafou, son prédécesseur, lors de ses visites à Azeffoun et dans des points de presse animés au même endroit, c'est-à-dire la réception de l'hôtel. Ce qui est inquiétant encore, c'est que cette visite n'a montré aucune perspective pour le secteur de la pêche dans la wilaya de Tizi Ouzou, en plus de l'absence de décisions fortes et fermes qui feraient sortir la pêche et l'aquaculture de leur marasme. Le ministre s'est contenté dans ses réponses à la presse de généralités. «Il faut s'organiser dans les ports. Il faut mieux gérer ce qui se passe en mer. Il faut corriger et améliorer ce qui existe. Il y a des capacités à Tizi Ouzou qu'il faut valoriser», a affirmé le ministre sans convaincre ses vis-à-vis qui attendaient des décisions fermes, des perspectives claires et des programmes précis pour un port d'Azeffoun qui n'arrive toujours pas à décoller.
Les pêcheurs veulent maintenir le semi-informel D'ailleurs, à propos de la halle à marée, représentant un investissement important, qui risque de connaître un fonctionnement difficile, le ministre propose de laisser le temps régler ce problème, laissant entendre que l'Etat n'obligerait pas les intervenants à respecter la loi. En fait, la halle à marée censée être le lieu d'action des intermédiaires mandataires qui vont contribuer à l'organisation du marché dans la transparence et la traçabilité, est tout simplement rejetée par les pêcheurs qui veulent garder en quelque sorte le monopole de la vente, mais aussi éviter les frais supplémentaires. En réalité, les pêcheurs rejettent cette nouvelle structure dans le but de maintenir leur activité dans le semi-informel et de l'éloigner de la transparence, notamment en matière de poids et de qualité de poisson proposé. En d'autres termes, c'est la question de la légalité de l'action des marins-pêcheurs qui est concernée et le ministre du secteur trouve le moyen de montrer de la mollesse dans la nécessité de traiter cette question, surtout quand il a affirmé qu'il n'était pas question pour l'Etat d'obliger les pêcheurs de passer par la halle à marée et qu'il fallait leur laisser le temps pour l'accepter et l'adopter. L'autre doléance exprimée dans la région est celle d'un opérateur privé qui a investi quarante millions de dinars dans une ferme aquacole, du côté de Tigzirt, pour la production de moules et d'huitres. L'investisseur, qui a également interpellé le ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques à Azeffoun, a fait savoir que son projet appelé à créer une centaine d'emplois est bloqué par cinq villageois, qui revendiquent le terrain sur lequel est prévu le projet. Pour Sid Ahmed Ferroukhi, ce problème montre la nécessité de «bien étudier les projets avant leur lancement et de prendre en considération les réalités sociales», et invite le promoteur à discuter avec les concernés autour d'un café ou un repas pour trouver une solution au problème, suggérant que l'Etat ne s'impliquerait pas dans ce conflit. Pourtant, cette question est d'une simplicité déconcertante. Soit les villageois sont dans leur droit et l'Etat doit les indemniser et sanctionner les responsables qui ont attribué le terrain à un investisseur, soit le terrain ne leur appartient pas et l'Etat doit agir contre eux pour leur action qui serait considérée comme illégale. Dans les deux cas de figures, le promoteur lancera son projet et créera de la richesse et des postes d'emploi aux habitants de Tigzirt, dont ceux du village concerné. La mollesse des pouvoirs publics se voit également dans le traitement de l'affaire de l'énorme ferme aquacole de Mlata, située à l'entrée de la ville d'Azeffoun, où le promoteur privé qui a lancé son activité en 2009 n'arrive toujours pas à respecter son cahier des charges. Aidé par l'Etat dans le lancement de son activité, l'opérateur en question, originaire de M'sila, met en relief ses difficultés à chaque visite ministérielle, avec en arrière plan le souhait de bénéficier d'une autre aide, alors que la subvention qui lui a été octroyée équivaut à la moitié du coût total de l'investissement, c'est-à-dire 350 millions de dinars, le promoteur ayant présenté un apport personnel de 70 millions de dinars, soit 10 % du coût du projet. Le projet prévoyait la production de 1 200 tonnes de daurades et de loups de mer et une dizaine de millions d'alevins et 85 postes d'emploi. Trois années après son lancement, la ferme aquacole est loin d'atteindre ses objectifs initiaux. En trois ans d'existence, la ferme n'a produit que 600 tonnes de poissons alors qu'elle a été incapable de lancer la production d'alevins pour booster la production de daurades et de loups de mer et surtout faire baisser le prix de revient. Les alevins sont encore importés de France et la visite du ministre de la Pêche dans la région a été reportée à plusieurs reprises, probablement parce que les alevins n'étaient pas encore arrivés de l'Hexagone. Le promoteur a-t-il vu trop grand lors du lancement de sa ferme aquacole ? Le ministre de la Pêche le pense, même s'il ne le dit pas, préférant appeler les investisseurs potentiels à lancer des projets à leur portée.