Programmée dans le cadre de la manifestation «Mars ô féminin», la troupe théâtrale Masrah Ennas de Tunis a donné, vendredi dernier au TNA, une représentation de son dernier spectacle théâtral, Saffer el kittar, une adaptation libre du classique la Casa de Bernarda Alba, de l'Espagnol Federico Gracia Lorca. Mise en scène par Dalila Meftahi, qui est devenue désormais une inconditionnelle du théâtre algérien en général et du TNA en particulier, cette pièce relate le drame d'une veuve, Hafida, qui se retrouve du jour au lendemain seule responsable de ses trois jeunes filles. En plein deuil, Hafida décide d'enfermer ses trois filles si différentes l'une de l'autre. On retrouve l'aînée, Sabra, née lors de son premier mariage, Afifa la pieuse et Wahida la rebelle. La pièce se joue à huis clos, la lumière est y sombre. Le mari de Hafida vient d'être enterré. La veuve se déclare en deuil et interdit à ses filles de sortir. Les trois jeunes filles étouffent et n'arrivent plus à subir l'autorité de leur mère cruelle, sous les regards bienveillants et inquiets de la bonne de la maison et de leur grand-mère sénile. Vivant dans l'oppression, Wahida la rebelle refuse d'obéir à sa mère tandis qu'Affifa la moralisatrice est victime d'une crise d'angoisse due à ses longues années de réclusion. Quant à l'aînée, elle est loin de se soucier du sort de ses sœurs car elle va bientôt se marier avec Djouher, un jeune homme mystérieux qui vient de demander sa main. Comme dans l'œuvre originale, le prétendant entretien une idylle avec la jeune rebelle Wahida, mais le secret finit par éclater au grand jour. Voyant ses filles s'entretuer pour un homme mais aussi pour des questions d'idéologies, Hafida intervient en force pour remettre de l'ordre mais la voix de la raison se manifestera par la grand-mère sénile qui invoque la démocratie. On notera que dans cette adaptation, Dalila Meftahi a voulu faire une lecture de la situation politique actuelle en Tunisie, car chacun des personnages de la pièce représente un courant politique : Affifa l'extrémiste (les islamistes), Sabra, la demi-sœur mal aimée (le complot étranger), et Wahida la rebelle (les démocrates). Et tous sont confrontés à une mère, le pouvoir, qui ordonne le silence. La situation finira par la suite par déborder avec l'annonce de la grossesse de Wahida, qui porte l'enfant du prétendant de sa sœur. Avec des dialogues violents, la pièce recèle aussi de nombreux monologues dans lesquels chaque fille exprime sa douleur. Les caractères des personnages sont exagérés. Encore une fois, la metteur en scène a opté pour le grotesque en accentuant les formes et expressions des personnages. Concernant le décor, il se réduit à quatre chaises et quatre rideaux représentants les chambres des filles. Mis à part la bonne interprétation des comédiennes, la pièce déçoit un tantinet par son contenu car, au final, il s'agit d'une adaptation très proche du texte original. On notera aussi que le public algérois a appris à connaître Dalila Meftahi au fil des années, vu le grand nombre de fois où elle a été invitée, et nombreux relèveront qu'elle n'a pas vraiment évolué et qu'elle est restée prisonnière de son style burlesque où le texte est mis en avant. Par ailleurs, certains diront que les organisateurs devraient penser à diversifier les choix en matière de troupes étrangères invitées en Algérie. Car c'est toujours les mêmes qu'on revoit sur les planches, et cela depuis des années.