LA TRIBUNE : Quelle est la signification exacte du mot kidnapping ? KHIRA TALEB : Un enlèvement, rapt ou kidnapping est l'action qui consiste à s'emparer de quelqu'un ou à le détenir, contre sa volonté, généralement par la force, souvent dans l'intention d'échanger la victime contre une rançon ou d'en obtenir tout autre avantage (notamment d'ordre sexuel). Lorsque le but de l'enlèvement est politique ou qu'il a lieu dans un contexte guerrier, on parle de prise d'otage. Il existe des formes différentes d'enlèvement d'enfant. Un inconnu enlève un enfant pour des buts criminels (enlèvement pour rançon, viol, torture, assassinat, traite des êtres humains, etc.…). Un inconnu enlève un mineur ou plus généralement un bébé pour qu'il devienne son propre enfant. Fait généralement commis par des femmes (ou des couples) psychologiquement fragiles en «mal de maternité» ou ayant perdu un enfant en bas âge. Un parent (aidé ou non par des complices, parfois rémunérés), souvent à la suite d'un divorce, enlève son propre enfant à son ex-conjoint, qui en détient légalement la garde dans le pays de résidence de celui-ci. Le parent «ravisseur» emmenant parfois l'enfant dans un autre pays où il espère faire valoir plus facilement ses droits. Ces problèmes intervenant régulièrement dans le cas de couples de nationalités différentes (mariage mixte, ou plus exactement mariage transnational), chacun des parents se basant sur la législation de son pays d'origine pour obtenir gain de cause.
C'est un phénomène en accroissement en Algérie. Il est d'autant plus inquiétant que les bourreaux passent aux sévices et à l'assassinat. Quelle analyse faites-vous de cette situation face à laquelle parents, enseignants, services de sécurité et instances judiciaires semblent être impuissants ? Le phénomène de kidnapping a pour mobile différents ordres : sexuel d'abord, les auteurs sont sous l'effet de la drogue. Viennent ensuite le mobile financier, c'est-à-dire que les auteurs des rapts cherchent des rançons, et les règlements de comptes familiaux. Si l'origine des enlèvements d'enfants remonte à des temps anciens, leur croissance en revanche suit une courbe exponentielle depuis le début de la décennie noire. En effet, alors même que l'avancée sociale, économique et politique est établie dans notre pays, on note cependant la perte de valeurs essentielles et indispensables à la cohésion du groupe humain (respect de l'Etat, respect des institutions et surtout respect des lois), permettant ainsi à certains individus, dont l'expression ne peut passer que par la violence, de jouer sur un schéma d'insécurité pour aboutir à leurs fins. Il y a des mesures de sécurité à inculquer à ses enfants dès leur plus jeune âge : ne pas parler et ne pas suivre des inconnus, ne pas accepter de friandises de la part d'inconnus, surtout, pour les parents, savoir où est son enfant et ne pas laisser «l'éducation de la rue» prendre le dessus. Certains parents sont «absents» de l'éducation de leurs enfants et oublient que les enfants sont influençables et que les personnes malintentionnées sont nombreuses. Les textes juridiques prêtent parfois à confusion et, face à ce vide juridique, les instances judiciaires, les magistrats entre autres, peinent à interpréter les lois pour sanctionner les auteurs d'atteintes aux enfants. Les textes qui traitent de ce crime ne sont pas suffisants et nécessitent une révision.
La majorité des enfants victimes de rapts sont issus de familles moyennes ou presque pauvres. Pas de familles aisées qui pourraient éventuellement faire objet de demande de rançon. Quels sont dans ce cas les mobiles du crime selon vous ? Les mobiles peuvent être nombreux mais, à priori, c'est le mobile sexuel qui prend le dessus. Dans la majorité des cas, les enfants ont été violentés, abusés sexuellement et ensuite assassinés.
S'agit-il d'actes isolés ou le fait de groupes organisés ? Il est difficile de se prononcer sur ce sujet, vu qu'il n'y a pas eu d'études ou de recherches dans ce sens. Ces actes ignobles prouvent que cette «bête immonde» sans visage sévit et sévira encore tant que des mesures draconiennes n'ont pas été prises et qu'il y aura toujours des «malades» pour s'adonner à des monstruosités face à l'innocence d'un enfant.
Dans une récente déclaration faite à un confrère, un responsable du bureau de l'Unicef à Alger a affirmé que dans le traitement médiatique de cette histoire de kidnapping en Algérie, la dignité de l'enfant n'a pas été prise en considération. Etes-vous de cet avis ? Dans les cas d'enlèvement, on se doit de respecter la dignité de l'enfant, surtout d'une dure et terrible réalité de vécu, ne pas en faire un scoop, ce n'est pas un business, c'est un événement qui bouleverse les enfants, les familles mais qui peut prendre aussi une autre ampleur, celle de donner des «idées» à des détraqués en quête de sensations fortes. Le premier objectif des médias est d'abord de protéger l'enfant. Les enfants doivent se sentir en sécurité et surtout respectés.
Sur les réseaux sociaux, principalement Facebook, des photos des victimes et des présumés coupables continuent d'être partagées et commentées. Beaucoup de photos sont truquées. Des images qui reviennent et qui tournent en boucle, ne risquent-elles pas d'avoir de lourdes conséquences sur la conscience individuelle et collective ? Amplifier la haine au lieu de trouver les bonnes solutions pour contrecarrer le phénomène ? Technologie oblige, l'afflux d'images nous assaille, nous submerge et nous étouffe. Pas moyen de leur échapper. Leur impact ne semble plus avoir de limites. Les images nous sautent aux yeux, chacun de nous reçoit le spectacle du monde avec sa singularité propre. Il y a ceux que les images fascinent et ceux qu'elles révulsent, ceux qui les affrontent et ceux qui s'en détournent. Il y a ceux qu'elles bouleversent et ceux sur qui elles glissent comme l'eau de pluie sur une vitre. Une image n'est pas un objet: elle survient toujours dans un contexte précis. Nous regardons cette image avec notre personnalité, notre histoire personnelle, familiale et sociale et surtout nos mécanismes de défense. Les réseaux sociaux Facebook, les blogs et les chats sont des terrains dangereux en ce qui concerne les nombreuses pressions psychologiques qui peuvent y exister. Amplifier la haine sur la toile est chose aisée pour ceux qui savent manipuler les foules et gérer les rumeurs.
Quelles solutions préconisez-vous pour arrêter définitivement ces kidnappings en Algérie ? Il n'y a pas de solutions miracles, cependant comme le dit l'adage «chaque problème a une solution». Des campagnes de sensibilisation doivent être diffusées régulièrement à la radio et à la télévision ou affichées dans les rues (quartiers sensibles, cités-dortoirs…). Renforcer le rôle des assistantes sociales et des éducateurs de quartiers. Les associations et la société civile ne doivent pas rester indifférentes à ce fléau et se doivent d'agir en conséquence. Revoir les textes de loi concernant les enlèvements d'enfants. Faire et mener une recherche narrative sur les enlèvements d'enfants en Algérie et connaître le pourquoi et le comment de cette violence, voire cette haine envers l'enfant. Pour lutter contre tous les dangers et protéger les enfants lors de leur navigation sur le Net, des campagnes de sensibilisation devront cibler les parents en premier lieu, pour qu'ils apprennent comment protéger leurs enfants des risques liés à l'utilisation des nouvelles technologies et des formes d'abus existants sur la toile.