«Les soleils des indépendances», chers au grand écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma, n'ont pas vraiment brillé. Le rêve suscité par la libération des pays africains, il y a une cinquantaine d'années, se transforme, jour après jour, en cauchemar. La guerre larvée que se livrent depuis des semaines les parties en conflit en République démocratique du Congo, la crise politique qui ronge le Zimbabwe depuis des mois ou encore les coups d'Etat à répétition en Mauritanie sont, malheureusement, de tristes événements qui rappellent une réalité : l'Afrique ne se porte pas mieux que pendant les colonisations européennes. Le jugement peut paraître sévère. Mais les informations en provenance des quatre coins du continent noir n'incitent malheureusement pas à l'optimisme. Bien au contraire. Parce qu'au lieu de la libération revendiquée, les peuples se sont retrouvés devant de nouvelles formes d'asservissement. A la place de la démocratie rêvée, les dirigeants africains n'ont donné que davantage de restrictions et d'autocratie. Pire que cela, la plèbe d'Afrique ne connaît que la famine, la privation et la pauvreté, alors qu'en combattant les colonisateurs elle aspirait à une vie meilleure. Le plus délirant dans cette histoire est que les scénarios se suivent et se ressemblent depuis le début de la décolonisation. Mis à part certains Etats -le Mali et le Niger sont en effet une exception malgré leur extrême pauvreté- qui ont réussi à retrouver une certaine stabilité politique, l'ensemble du continent noir n'arrive pas à sortir de l'ornière. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que l'Afrique est la région la plus pauvre de la planète. Il faut reconnaître, cependant, que le problème est beaucoup plus compliqué qu'on le pense. Car, si les dirigeants des pays africains ne sont pas des saints -bien au contraire-, il est utile de rappeler que, malgré le poids des ans, les réflexes de la période coloniale sont toujours vivaces. De même que les cicatrices d'un passé, douloureux, n'arrivent toujours pas à quitter l'esprit des peuples africains, empoisonnant même leurs relations avec les dominants d'hier. Combien de fois, en effet, n'a-t-on pas vu l'implication de la France, par exemple, dans certains conflits -souvent meurtriers- en Afrique ? L'exemple le plus récent, et le plus frappant à la fois, est sans doute celui du génocide rwandais. Faut-il aussi rappeler le rôle actif de Paris dans le maintien de plusieurs dictateurs, au nom d'un concept aussi débridé que galvaudé que «la françafrique» ? A cela il faut ajouter les énormes intérêts économiques que sauvegardent les pays occidentaux en Afrique noire. Loin de constituer un atout pour les populations locales, avides d'emplois et de savoir-faire, la présence des multinationales sur le continent représente parfois un danger certain et sur l'écosystème -puisque les richesses sont tout simplement pillées- et sur la stabilité politique dans les pays qui les accueillent, étant donné qu'elles servent de bailleurs de fonds à des groupes rebelles. Ce n'est donc pas demain que le soleil brillera sur l'Afrique. Malgré la volonté de leurs peuples, les pays du continent continuent de donner le mauvais exemple, au moment où le reste du monde passe à un autre niveau de réflexion, celui de donner un avenir meilleur à l'humanité. A. B.