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«Un grand homme, un grand défenseur des libertés individuelles et des droits des peuples pour leur indépendance» Des compagnons de lutte et des avocats rendent hommage au défunt Me Ammar Bentoumi
Photo : M. Hacène Par Karima Mokrani Grand moudjahid, grand juriste, grand défenseur des libertés individuelles et des droits des peuples pour leur indépendance. Honnête, intègre, passionné par le métier et toujours proche des pauvres et des faibles. Simplement un grand homme que toute la corporation, et pas seulement, admire fortement et regrette profondément après son décès survenu vendredi à l'âge de 90 ans. Me Ammar Bentoumi était un exemple. Un symbole. Ses compagnons de lutte durant la Guerre de libération nationale, ses collègues au barreau d'Alger (et d'ailleurs), des responsables de l'Etat algérien, actuels et anciens, et de simples citoyens en témoignent. Nombreux étaient-ils hier au tribunal Abane Ramdhane pour lui rendre hommage. Bien sûr, à côté de sa famille et des proches de la famille. «Oui, j'étais son compagnon de lutte pour une justice indépendante. C'était le premier ministre de la Justice après l'indépendance de l'Algérie. Il m'a demandé d'être son directeur de cabinet et j'ai accepté. Ce n'était pas grâce à Ben Bella qu'il a eu accès à ce poste mais grâce à Khider. Ben Bella ne voulait pas de lui. Je suis désolé de le dire mais c'est la vérité. Il ne voulait pas de lui parce que Me Bentoumi œuvrait pour une Justice indépendante. Nous avons eu plusieurs entretiens avec Ben Bella pour lui dire notre détermination à aller vers une justice indépendance mais Ben Bella ne voulait rien entendre. Il disait que la Justice, c'est comme toute autre fonction. Me Bentoumi était intransigeant sur la question. Il avait des principes intangibles. Et il a payé. Deux ans d'internement dans le sud algérien. Il y avait Ferhat Abbas avec lui et d'autres. Il me disait que Ferhat Abbès était un grand croyant, il ne ratait jamais sa prière d'El Fadjr», raconte Me Ben Melha qui était lui aussi détenu, avec le défunt Me Bentoumi, à Berrouaghia et dans une autre prison dans le sud algérien. L'ancien directeur de cabinet du premier ministère de l'Algérie indépendante rapporte un autre fait des plus marquants: «Me Bentoumi allait présenter sa démission plusieurs fois et chaque fois nous intervenions pour l'en dissuader, lui disant que nous avons une grande mission à accomplir, celle d'installer l'appareil judiciaire. Alors, il reportait sa décision mais un jour il a tranché et a démissionné officiellement de son poste de ministre». C'était le premier ministre algérien à démissionner de son poste. Son fils qui était aussi avocat, en parle: «Il a vu que certains principes et certains droits n'étaient pas respectés par le gouvernement de l'époque. Alors, il a déposé sa démission». Le défunt a publié plusieurs ouvrages sur le droit et la Justice en Algérie. Un autre ouvrage est en cours d'impression, indique son fils, fièrement: «C'est un livre qui parle d'une partie de l'histoire de l'Algérie, soit entre 1923 et 1954. Il est très intéressant». Le fils Bentoumi insiste sur un autre fait: «Ses ouvrages ne sont pas n'importe quoi. Ce ne sont pas des mémoires mais des témoignages bien réels sur l'histoire de l'Algérie». Mme Louisette Ighilahriz garde, elle aussi, de bons souvenirs du grand militant qu'était le défunt: «C'est mon frère de combat. C'est le juriste des pauvres. C'est le juriste très engagé. Il a toujours été près des condamnés à mort et des prisonniers. Il a continué de combattre jusqu'à il y a un mois. Il a toujours été un patriote. Il soutenait la cause des femmes. Il nous remontait plusieurs fois le moral. Nous le remercions vivement». Une autre femme, ancienne avocate, âgée aujourd'hui de 75 ans, Khadidja Belkacem, abonde dans le même sens: «C'est lui qui a parrainé ma prestation de serment. Je salue le grand militant, le moudjahid, le grand avocat qui était très engagé. C'était un homme d'une très grande valeur et qui respectait beaucoup les femmes. Il faut que la nouvelle génération d'avocats soit animée par l'amour du métier et non celui de l'argent. C'est un métier noble, il faut le défendre». Une autre avocate, nettement plus jeune, membre du Conseil de l'ordre, affirme ses regrets: «Nous-mêmes, nous avons perdu un membre de notre famille. C'est le papa. Notre papa. C'est un grand homme qui est parti. Un avocat du FLN, un ancien bâtonnier. Il n'est pas parti, sa place est toujours là. Il est encore vivant parmi nous et nous n'oublierons jamais les leçons qu'il nous a données». A noter la présence hier, au tribunal Abane Ramdane, de nombreuses personnalités, à l'exemple d'Ali Haroun, Mme Drif Bitat, Farouk Ksentini, Abderezak Bara, Belaïd Abdeslam et autres. L'actuel ministre de la Justice, Mohamed Chorfi, était aussi venu se recueillir à la mémoire du défunt. Il déclara: «c'était un symbole de lutte pour toutes les libertés. C'est aussi le symbole de l'édification de l'Etat algérien. Le bâtonnier n'a pas limité son combat à la défense du droit du peuple algérien, mais il s'est aussi mis au service des peuples à travers le monde».