Photo : Riad De notre correspondant à Constantine A. Lemili
La solennité des lieux, en l'occurrence la majestueuse salle des réceptions de l'APC, en a rajouté à la gravité et des propos et de l'ambiance de la rencontre qui a regroupé, jeudi dernier, les élus de la commune, les directeurs de l'exécutif local et le wali de Constantine, Noureddine Bedoui. Ordre du jour «Constantine, capitale de la culture arabe pour 2015» et bien entendu répondre présent à un défi pour lequel nul ne semble en réalité préparé, encore moins juré l'être à la fin de l'année 2014 et, dans le meilleur des cas, au premier trimestre 2015.
Des projections irréalistes C'est au locataire des lieux, en l'occurrence le premier édile, qu'a échu le bénéfice de la parole. S'étalant sur une longue et studieuse explication appuyée d'illustrations, le président de l'Assemblée populaire communale (APC) soumettra à l'assistance les détails du plan de développement local entrant dans le cadre du mandat de l'assemblée avec, toutefois, pour étape très importante, voire pour épicentre, le statut de capitale de la culture arabe dévolu à Constantine pour l'année 2015. Aussi pimpante se voulait-elle sur la nature des réalisations projetées pour les cinq prochaines années, la modernité dans laquelle elle était enrobée, la démonstration du maire se particularisait néanmoins par l'indigence sur la stratégie de finalisation. En somme, il était clair et limpide qu'à la fin de 2017, la Cité aura une toute autre physionomie. Idyllique comme jamais, et, en conclusion, une ville plus que parfaite, sauf qu'aucune information n'était donnée quant à la stratégie globale et éventuellement détaillée sur les moyens humains, matériels et notamment financiers pour y parvenir. Nous évacuerons le scepticisme de l'ensemble des personnes présentes quant à la démesure de ce qui ressemblait à un défi mythologique compte tenu de l'implacabilité de réalités humaines, sociologiques et économiques, considérant à l'évidence que l'assemblée se fourvoyait dans un chantier qu'elle avait très peu de chances de mener à bonne fin. Du moins pour la durée du mandat électif dont elle était dépositaire. Ceci étant, n'émergeait aucune information rationnelle sur la structure même des financements, leur origine, le détail de leur ventilation projet par projet, etc. M. Bedoui se chargera de matérialiser la circonspection des personnes présentes. En effet, d'emblée, le wali ira à la charge pour rappeler aux membres de l'assemblée communale qu'ils ont tout faux et le premier à en prendre pour son grade est le maire. Le wali s'étonnera de l'ambition de l'APC d'aller au programme évoqué tout en restant très sommaire sur les moyens grâce auxquels il serait concrétisé, et deux fois plutôt qu'une parce que telle qu'elles sont depuis des lustres (…l'indépendance a estimé le wali), ces structures, inversement proportionnelles au développement de la cité, sont demeurées végétatives, voire sont totalement déconnectées des attentes de la population. Pour argumenter ses réserves, il jugera que la ville-commune ne risquera pas d'évoluer dans le sens très théorique exposé par le maire et, pis, va résolument dans le mur en ce qui concerne ses capacités à accueillir dans les conditions idoines le grand évènement de 2015. «Tant que vous n'avez pas d'organigramme, vous n'avez aucune chance d'avancer et encore moins de répondre aux attentes des Constantinois», affirmera M. Bedoui. Le chef de l'exécutif, engageant un vif procès à l'institution dont il stigmatise la faillite dans la mission très terre-à-terre, mais qui à ses yeux serait symptomatique du mal de vivre dans son ensemble, de la prise en charge du cadre de vie, et plus particulièrement celui direct de la propreté des lieux, le ramassage des ordures, rappellera dans la foulée «qu'entretenir les importantes artères à l'aide de balais sommaires est ridicule».
Des plans sur la comète !? En fait, la colère du wali était dans l'air du temps et le désamour avec l'assemblée actuelle est venue immédiatement après son installation, un désamour né des bisbilles internes à l'APC entre le parti majoritaire (FLN) et quelques autres, notamment le RND, autour de la répartition des commissions et des vice-présidences que la loi confère toutefois au maire. Dans ce cas de figure, M. Bedoui jouant l'apaisement avait sollicité du maire une sorte d'«ijtihad» par rapport aux textes, une démarche quasiment ignorée par le premier édile. Cela étant, la question de l'organigramme se pose effectivement sachant qu'une organisation adaptée aux réalités du terrain a été réalisée et soumise à approbation à des élus de la précédente assemblée. Ces derniers ont jugé inopportun de mettre devant le fait accompli leurs successeurs au sein de l'institution laissant toutefois une esquisse, aux yeux des spécialistes, quasi-parfaite pour la gestion des affaires et le fonctionnement de la commune. Cette rencontre dont nul n'attendait grand-chose sauf cette vérité que le wali allait voler dans les plumes du PAPC, n'aura finalement servi à rien, sinon à renvoyer dans un mois la proposition et, ce faisant, la détermination des voies et procédures permettant d'aborder la préparation de la manifestation internationale de 2015. Ce qui parait pour le moins impossible compte tenu des délais très rapprochés pour monter et, compte tenu de la dimension internationale, dans les normes l'évènement en question dans une ville littéralement sinistrée. En conclusion, la rencontre de jeudi dernier a laissé chez toute personne présente qui vit l'actualité de la cité depuis l'année 2000, le sentiment que tout est resté en plan. La conviction selon laquelle que tout est figé depuis cette date incontestable, les discours étant les mêmes, les colères du wali également, comme les faux-fuyants et autres atermoiements des élus, et enfin la duplicité des directeurs de l'exécutif quant à l'évocation des bilans et autres programmes prévisionnels de l'administration dont ils ont la charge. Alors de la à ce que Constantine se hisse à la hauteur «d'Alger et/ou d'Oran», donnés à chaque fois pour exemple par M. Bedoui, il y a un pas que toute personne dotée de raison ne se hasardera pas à franchir. Sauf celles rompues à tirer des plans sur la comète… Et ils existent.