La place du maire dans la gouvernance algérienne est une question qui se pose avec acuité. Que devient la mise en application des réformes initiées par la commission Missoum Sbih sur recommandation du Président Bouteflika? Réformer les institutions de la République était l'un des objectifs avoués de M.Bouteflika lors de son premier mandat, dans la perspective, outre de dépoussiérer une administration qui s'est noyée dans la bureaucratie, redonner aux institutions de base de l'Etat -la commune et la wilaya en particulier- le dynamisme et la pugnacité qui, souvent, leur font défaut, mais aussi les rapprocher de leurs administrés, les citoyens algériens. De fait, la question récurrente qui se pose est de savoir si la commune algérienne joue le rôle attendue d'elle. La réponse peut apparaître facile, tant la gouvernance communale est loin de remplir correctement sa mission, d'autant plus que le premier personnage de la cité, le président de l'Assemblée populaire communale (APC) -ou plus prosaïquement, monsieur le Maire- n'est pas toujours à la hauteur des responsabilités confiées par ses électeurs. De fait, souvent, pour ne point dire toujours, la commune s'identifie, ou on l'identifie, aux qualités de son (ses) édile (s). Or, depuis l'Indépendance peu, très peu de maires se sont illustrés par leurs actions en faveur de leurs communes et de leurs administrés, à telle enseigne que des hommes comme Hassan Boudjenana, premier maire de Constantine dans les années 1960 et Bachir Mentouri, président du Conseil populaire de la ville d'Alger à la fin des années 60 et au début des années 70, restent aujourd'hui l'exception d'édiles qui avaient l'obsession de leur mission qui, l'un comme l'autre, ont marqué leur passage à la tête des exécutifs de ces deux grandes métropoles. Mais Boudjenana et Mentouri sont demeurés cette exception qui confirme la règle commune de médiocrité qui meut leurs collègues qui se sont confinés dans le rôle étroit de fonctionnaires municipaux, loin de l'idée que l'on se fait, que l'on doit se faire, de l'élu communal qui, en fait, occupe une position stratégique dans l'échiquier de la République: le maire est dans le même temps le représentant de l'Etat auprès de la collectivité municipale (article 67 du Code communal du 7 avril 1990, Journal Officiel n°15 du 11 avril 1990) et délégué de la commune -et de ses administrés- (article 59 du Code communal du 7 avril 1990) auprès des pouvoirs publics qui délivrent, sous l'autorité du wali (article 69) les moyens financiers, matériels et techniques pour une bonne gestion du territoire communal. Cela fait du poste de maire une charge éminemment politique. Cela est valable sous d'autres cieux où les élus municipaux, singulièrement le premier d'entre eux -le maire-, ont le profil d'hommes d'Etat qu'ils mettent en exergue dans leur gestion et gouvernance de la commune. De fait, ils sont nombreux à postuler des postes beaucoup plus gratifiants, de ministres ou à de plus hautes charges dans les institutions de l'Etat, comme d'ambitionner la charge suprême, celle de premier magistrat de l'Etat. Ceci pour dire que le poste de maire, tremplin de toute carrière politique, exige des qualités autrement plus rationnelles, une culture politique et générale qui confèrent à l'élu la stature d'homme d'Etat. Aussi, la question se pose-t-elle quant à la place du maire dans le système politique algérien. Le Code communal (du 7 avril 1990) dans sa mouture actuelle n'y répond pas, ou partiellement, comme il esquive l'importance politique qui devait être celle du premier magistrat de la municipalité, fonction qui est loin d'être seulement à caractère administratif et technique dans lesquels le Code communal confine le président de l'Assemblée populaire communale (APC). Or, la charge de maire, prépondérante dans le gouvernement municipal, est tout autre que celle d'exécutant d'ordres hiérarchiques. Ce sont ses initiatives, ses décisions -pour assurer la sécurité de ses administrés, mettre à leur disposition le transport, le logement, ouvrir des écoles et des lycées, entretenir les routes, tenir propre la ville, protéger l'environnement- autant de déterminations qui relèvent du seul pouvoir et vouloir du premier magistrat de la commune comme de fait le prescrit le Code communal sus-cité. Cependant, on oublie souvent, ou on le minimise, le fait que la commune est la base de l'Etat et constitue, à son échelle, un gouvernement ou chaque membre de l'exécutif a son importance liée à une tâche précise à accomplir. De fait, c'est au niveau de la commune, début et prolongement de l'Etat, que commence la bonne gouvernance tant du fait des rapports directs qu'a la municipalité avec les citoyens et les pouvoirs publics. L'intérêt que doit porter l'exécutif à la gestion du territoire de la commune, comme celui d'être attentif au bien-être de ses administrés, restent les tâches essentielles et premières du président de l'APC. Tant il est vrai que bien gouverner c'est planifier, prévoir, singulièrement ‘'bien servir'' et cela dépasse le seul rôle administratif et bureaucratique dans lequel est enfermé le maire algérien. De fait, la notion ‘'bien servir'' est la quintessence même du concept de ‘'service public'', à tout le moins absent des préoccupations de nos édiles, alors que leur devoir est d'oeuvrer à conforter et à qualifier leurs rapports avec leurs administrés. Promenez-vous dans n'importe quelle commune en Algérie pour en constater l'état lamentable dans lequel elles se trouvent pour vous convaincre du peu d'efficience de la notion de service public auprès de ceux-là mêmes dont la raison d'être était justement de servir. Ce manque d'initiative et de dynamisme est précisément la carence récurrente des maires algériens, souvent peu qualifiés aux tâches pour lesquelles ils ont été investis -souvent, ces hommes ne disposent pas de l'envergure nécessaire les homologuant à occuper les charges qui leur ont été confiées par les électeurs- car, outre le fait que cette charge est fondamentalement politique, elle exige une parfaite connaissance des procédés de gestion des affaires de la commune. Or, ces dernières années, par leur incohérence, par leur immobilisme, leur manque de dynamisme, les élus auront surtout contribué à déprécier et à discréditer une charge aussi gratifiante que celle de président de l'APC. En fait, au-delà du programme sur lequel il a été élu, le maire se devait de réunir les conditions permettant à l'exécutif communal (mono-partite ou de coalition) de travailler avec efficacité et en coordination avec la wilaya et le gouvernement. Cela n'est pas toujours visible sur le terrain. L'autre handicap à relever est que le Code communal (actuel) et les lois relatives à la commune ont vidé la charge de maire (président de l'APC) de toute prérogative politique, reléguant le poste, susmentionné, à celui d'un fonctionnaire rétribué par l'Etat. Les débats de la campagne du scrutin local a d'ailleurs été centré sur ce manque de prérogatives. En effet, la vision étroite, sinon étriquée, qu'ont eue les rédacteurs du Code communal de la charge du premier magistrat de la commune a considérablement limité le rôle du maire, le confinant dans un travail de bureaucrate propice aux déviations constatées ici et là, comme le fait que monsieur le maire est plus occupé à soigner ses intérêts qu'à s'inquiéter des intérêts de la commune dont il a la charge. Cette particularité a fait des ‘'maires'' algériens une catégorie à part, des personnages hors normes, se considérant souvent au-dessus des lois. De fait, les lois relatives à la commune ont, quelque part, créé des ‘'administrateurs'' qui échappent au contrôle de la société et à celui des pouvoirs publics. De fait, aucun maire n'a rendu public le bilan de son administration à la tête des APC. Les émeutes qui ont marqué, et marquent, de nombreuses communes, les scandales et les affaires qui ont éclaté ces dernières années dans de nombreuses municipalités, ont dénaturé la gestion des communes témoignant de la difficulté, dans l'Algérie de 2007, de trouver une commune gérée selon les règles admises partout ailleurs dans le monde. Les dernières intempéries qui ont paralysé le nord du pays en disent long sur la non-gestion de nos communes. Cette situation a ainsi induit une sorte de rupture entre le maire et la collectivité, cette dernière reprochant au maire son peu d'empressement à solutionner les problèmes auxquels se heurtent ses administrés, de n'être pas à leur écoute, ni disponible, de faire peu cas du fait qu'il est là pour servir la communauté dont la confiance dans ses édiles est ainsi quelque part trahie. En réalité, cette ambivalence dans la manière de gérer les communes a donné lieu à l'apparition de maux sociaux tels que la corruption, les malversations, les passe-droits devenus la règle alors qu'elles auraient dû demeurer l'exception. Ce sont tous ces maux qui ont aujourd'hui défiguré la commune algérienne qui accumule les difficultés qui l'ont rendue souvent invivable pour les citoyens. En fait, la laideur de nos communes, leur délabrement et leur saleté sont le témoignage patent de l'échec de nos édiles à créer le nécessaire environnement convivial, de faire de leur commune un espace où il fait bon vivre, où les familles et les citoyens se sentent en confiance et en sécurité, en osmose avec leur ‘'gouvernement'' communal. Las! le bilan du maire algérien est rien moins que négatif. Alors, qu'elle est la place du maire algérien, en a-t-il une, dans le système politique algérien? Telle est la question, affirmait déjà en son temps Shakespeare!