Les employés de Saipem-Algérie, une filiale de l'énergéticien italien ENI, sont sérieusement inquiets. Sous le coup d'une vaste instruction judiciaire pour corruption dans le cadre de l'affaire dite Sonatrach II, l'activité de cette entreprise a notablement baissé ces derniers mois se soldant, naturellement, par une précarisation subite de l'emploi. Le syndicat des travailleurs de Saipem-Forage, domicilié à Hassi Messaoud, accuse déjà des résiliations de contrats sans aucun préavis et dénonce un ralentissement considérable des activités de la filiale. Rappelant que leur unité, présente en Algérie depuis 1976 et comptant aujourd'hui 700 travailleurs, n'aurait aucun lien avec le dossier en instruction, les salariés s'estiment victimes du tapage médiatique et des amalgames entourant l'affaire citée précédemment. La société subirait, en quelque sorte, les effets collatéraux d'une action judiciaire qui ne l'implique en rien. Car «Sonatrach n'a jamais sollicité les services de notre compagnie dans le domaine du forage aux puits», note le syndicat dans une récente mise au point à l'endroit de la presse algérienne. De crainte d'éventuelles «éclaboussures», de nombreux partenaires et sous-traitants temporisent pour le renouvellement ou la signature de nouveaux accords. Ce qui, à terme, met Saipem-Forage quasiment à l'arrêt. Selon Youcef Hachanni, le secrétaire général de la section syndicale, «certaines entreprises ont carrément mis un terme définitif aux négociations pour la conclusion de nouveaux contrats». Après un rappel des œuvres accomplies par son entreprise qui n'avait jamais quitté le territoire national, même aux moments les plus durs, notre interlocuteur souligne que la situation présente pénalise, en premier lieu, «les cadres et les travailleurs algériens qui risquent sérieusement de se retrouver au chômage». Faute d'offre sur place et pour combler le manque à gagner, Saipem-Forage se tourne vers ses chantiers en Mauritanie, en Tunisie et en Turquie. On apprend de même source que la société s'apprête à transférer plusieurs foreuses et d'autres équipements vers ces pays où elle dispose de plans de charge conséquents. En clair : cela s'apparente à une délocalisation en douce qui laisserait les personnels algériens sur la paille. Dans cette triste histoire, ce sont les simples salariés, dont certains cumulent des décennies de loyaux services, qui payeront les pots cassés. Comme dans toutes les grosses affaires précédentes, ce sont les simples gens qui en font les frais. Le cas présent nous rappelle, en effet, l'affaire Khalifa-Bank où des dizaines de milliers de déposants ont été ruinés. Les épargnants, appâtés par des taux d'intérêt imaginaires, y ont placé toutes leurs économies. Les autorités de régulation n'avaient pas décelé à temps la supercherie pour prévenir l'énorme escroquerie. Cette défaillance manifeste a coûté, pour beaucoup d'Algériens, le labeur de toute une vie ! Après coup, il n'était plus possible de les dédommager, la facture étant trop salée. Il y avait aussi des milliers de salariés mis à la porte sans la moindre indemnisation. Dans ce type de situations, il va falloir trouver un moyen pour protéger les catégories vulnérables. Les travailleurs de Saipem-Forage, qui se sentent pris dans un guêpier, lancent aujourd'hui un appel de détresse au président de la République, au Premier ministre et au ministre de l'Energie et des Mines pour intervenir afin d'«éviter l'aggravation de la situation». Il s'agit incontestablement d'un cas social légitime et douloureux. On doit y réfléchir sérieusement, car cette «cochonnerie» de délocalisation n'arrive pas qu'aux autres. Il faut, donc, s'en prémunir. Les spécialistes doivent se pencher sur cette question pour trouver des solutions ou, du moins, des palliatifs. K. A.