Le meilleur moyen de résumer cette histoire de 3G qui ne se conclut toujours pas consisterait à rappeler cette blague de Fernand Raynaud, lequel pour dire que le QI d'un militaire ne volait pas haut posait la question suivante : «Après un tir, combien de temps met le fût d'un canon pour refroidir ?» Bien entendu tout le monde est pris de court par une telle question et tout scientifique se mettrait à chercher la réponse là où il y a peu d'évidence qu'elle soit, dans la mesure où celle-ci est d'une banalité déconcertante car pour refroidir le fût d'un canon mettra «un certain temps» ou encore «le temps qu'il faudra». Pour la 3G, le ministre de la Poste et des TIC plastronnait en fin d'année écoulée que «l'opération est en phase terminale» et qu'il fera tout pour que «le processus soit lancé avant la fin mars». Fin mars ! A quelques jours de la fin du mois d'avril, les fanas de la 3G, qui trépignent d'impatience de pouvoir en faire l'usage, risquent d'en être pour leurs frais puisque le même ministre s'autorise un «…la 3G n'est pas une fin en soi» ou encore «la 3G n'est pas la seule priorité du secteur». Les potentiels rêveurs d'une génération de téléphonie mobile pratiquement en fin de vie sous d'autres cieux, parce que la 4G tombe déjà en obsolescence, sont d'ores et déjà avertis qu'elle ne leur est pas destinée s'ils n'ont pas le standing, et le ministre le leur rappelle avec grande élégance lorsqu'il est interpellé sur le retard et le fait que des pays nettement plus pauvres que l'Algérie y sont entrés de plain-pied «…dans ces pays, la 3G concerne quelques quartiers, au mieux quelques villes» et «…qu'elle ne sera pas à la portée de tout le monde» ici s'entend. Les exclus d'office ne peuvent que remercier le responsable du secteur de la Poste et des TIC pour son approche sélective des masses. «L'introduction de la 3G en Algérie est une importation moins importante que celle destinée à équiper le pays en fibre optique. L'Algérie souffre d'une fracture numérique avec les pays riches», estime Moussa Benhamadi, qui oublie que le secteur souffre aussi d'une mauvaise distribution du courrier, de réseaux téléphoniques saturés, de système informatique généralement hors circuit, etc. La 3G avait commencé à être évoquée sérieusement dans le pays à la fin de l'année 2005 et, depuis, une conséquente brochette de ministres a occupé le maroquin concerné sans matérialiser le projet tout en réussissant la performance d'annoncer sa très imminente exploitation. Ladite brochette de ministres excellera dans un florilège de déclarations régulièrement rapportées par les confrères depuis la fin de cette année 2004. Ainsi A. Tou claironnait à qui y croyait que 2007 serait l'année de «…la vente d'une licence de téléphonie mobile de troisième génération», un engagement confirmé par B. Haïchour assurant le relais au poste : «2007 sera l'année de la 3G en Algérie» et le même, ne désarmant pas, déclare que «…le dossier de la 3G est fin prêt», cela en 2008. C'est dire. Au cours de l'année 2008 toujours, il ne manquait plus au nouveau ministre de la Poste et des TIC, en l'occurrence Bessalah, de jurer la main sur le cœur que «…le lancement de la 3G est pour début 2009. La licence sera attribuée à l'un des trois opérateurs de la téléphonie mobile». Et comme s'il existait un élément de langage il aura été, étrange coïncidence, le premier avant le ministre actuellement en exercice, à souligner en janvier 2009 que «la 3G n'est pas une priorité» et affirmer après un salto-vrillé plus d'une année plus tard : «La 3G est en phase finale technologique.» Plus surréaliste encore, il annoncera dans la foulée que son secteur allait vers «…le déploiement de la 4G». S'étaler sur ce qui suivra au lendemain du départ de Bessalah, reviendrait à reprendre le même écheveau administratif et/ou bureaucratique, c'est selon. A ce stade de l'engagement politique pour la réalisation d'un projet qui s'éternise depuis une dizaine d'années, il ne saurait plus être question que de tragédie grecque compte tenu des atteintes faites à la dignité des Algériens, aux violences faites à leur sagacité. Quant à l'attitude des grands commis de l'Etat qui ont défilé au ministère de la Poste et des TIC, elle frise tellement le ridicule qu'il ne serait même pas question de leur en vouloir mais plutôt de compatir à leur détresse. Morale de l'histoire : comme dans la blague de Fernand Raynaud, la 3G en Algérie mettra le temps qu'il faudra pour être lancée. A. L.