La polémique sur le gaz de schiste en Algérie est elle terminée ? Les voix critiques qui s'élevaient contre l'exploitation de ce gaz en raison de ses effets néfastes sur l'écologie ne se répandaient plus, faute de mobilisateurs, dans une société atone, pauvre en associations. Pendant ce temps, la mobilisation se poursuit dans des pays à fort potentiel en schistes. En Pologne, par exemple, de petits paysans font face «mains nues», mais pas polluées, au puissant Chevron, la compagnie américaine qui y a foré une somme de puits, mettant en péril la faune et la flore. Les Polonais tentent de l'empêcher d'en forer davantage, dans un pays peu regardant sur les questions écologiques. Les paysans polonais de Zamosc, dans l'est du pays, n'entendent pas se laisser faire, dans un bras de fer inédit et qui risque de tourner à l'avantage de Chevron. Les Polonais promettent en tout cas de bloquer le travail des camions dépêchés par Chevron, dans la région. Des camions chargés de prospecter des champs en vue de trouver du gaz de schiste. A quelques encablures de là, de premières prospections menées par le géant américain ont fissuré les murs des fermes, pollué les puits des habitants, cela ne peut pas passer sous silence. Alors les paysans de la région ont commencé à s'interroger. Faut-il voir dans le gaz de schiste une opportunité économique pour la région (l'eldorado aura finalement des allures de pétard mouillé) ? Ou une menace pour la santé des hommes et des bêtes et pour l'environnement ? Dans les salles des fêtes des villages, les habitants se sont réunis et le ton est monté. Chevron a bien tenté de calmer les ardeurs en venant s'expliquer. Il a même, dans un ultime effort, distribué d'affreux tigres en peluche aux paysans. Ils finiront pendus sur les machines de chantier. Des milliers de kilomètres plus loin, en Pennsylvanie, aux Etats-Unis, le mal est déjà fait. Le paysage est marqué par le triste spectacle des têtes de puits et, sur les routes, les camions défilent dans un ballet incessant. Ici, des habitants brandissent des bidons d'eau polluée, là, des agriculteurs montrent leurs bêtes au pelage abîmé ou décrivent la fragilité de leur état de santé. En Pennsylvanie, c'est trop tard. Mais en Pologne ? Tout est encore possible. Et l'immense Chevron peut craindre l'ire des petits paysans. En France, où les écolos sont au gouvernement, l'attribution des permis d'exploitation du schiste est suspendue. Au Canada, la situation est un peu différente, surtout au plan législatif. Evoquer le gaz de schiste dans le lointain Canada, c'est se référer à sa Constitution. En vertu de la Constitution canadienne, les provinces sont propriétaires et gestionnaires des ressources naturelles qu'on retrouve sur leur territoire, et elles en réglementent les activités d'exploitation. C'est bon de le savoir. Le gaz de schiste s'impose de plus en plus comme nouvelle source d'approvisionnement en gaz naturel à faible coût en Amérique du Nord, ainsi que l'expliquent des experts. Au Canada, on trouve des ressources potentielles, et des exploitations de gaz de schiste, en Colombie?Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario, au Québec, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Ecosse. La plupart des activités de forage et de production en cours se déroulent dans les bassins de schiste de Montney et de Horn River, au nord-est de la Colombie-Britannique. Les partisans du schiste mettent en avant ses spécificités, ses avantages. Le gaz naturel est une source d'énergie relativement propre, efficace et abondante. Ce combustible est de plus en plus utilisé dans les services résidentiels, commerciaux et industriels. Le gaz naturel représente un combustible important dans la transition vers une économie à faible combustion de carbone, car en brûlant, il dégage moins de résidus que tout autre combustible fossile et il existe en grande quantité. Les chercheurs estiment que les réserves de gaz naturel de l'Amérique du Nord, en grande partie composées de gaz de schiste, pourront être exploitées pendant plus de 100 ans. Le gaz naturel peut remplacer les combustibles qui produisent davantage de gaz à effet de serre (GES) actuellement utilisés dans des domaines tels que la production d'énergie, le chauffage et les transports. Dans pareil contexte, les écolos ont du mal à se faire entendre, dans un pays où la règlementation ne leur est pas favorable. Et la question technologique? Depuis plus de 60 ans, l'industrie en Amérique du Nord utilise «en toute sécurité» la fracturation hydraulique pour stimuler la production pétrolière et gazière dans les réservoirs conventionnels. Si l'exploitation du gaz de schiste est une industrie relativement bien établie aux Etats-Unis (qui comptent plus de 40 000 puits en production), elle n'en est encore qu'à ses premiers pas au Canada. Si en Pologne, des paysans font face à Chevron, aux Etats-Unis et au Canada, les citoyens font de la résistance à de nombreuses compagnies à la recherche de profits. Y. S.