L'Agence pour la création d'entreprise (Apce), organe officiel des futurs entrepreneurs, cite désormais parmi les possibilités de financement d'une jeune entreprise le crowdfunding, ou financement collectif, dit aussi financement participatif. Le crowdfunding, né d'Internet et sur Internet pour financer des projets culturels -livres, disques, concerts, films- par des centaines ou des milliers de petits investissements électroniques, s'institutionnalise à grande vitesse. Jusque-là, et depuis 2009, la mécanique était innovante, simple et bon enfant. En présentant un petit projet sur Internet, sur une des plateformes de crowdfunding, le porteur de projet pouvait compter sur le soutien d'amis et de proches ou d'inconnus en échange de cadeaux symboliques (citation au générique, livre dédicacé). Après avoir longtemps courtisé les sceptiques, le crowdfunding, faute de banquiers prêteurs, est maintenant celui que l'on courtise. Le rachat récent d'une plateforme de crowdfunding, People for cinema, par l'un des pionniers français, Ulule, signale aussi qu'il peut maintenant viser grand, comme la production de longs métrages. Le «hall of fame» de Ulule, qui a fêté récemment 2 500 projets financés, illustre en cinq projets phénomènes l'enfance du crowdfunding, du bouquet de fleurs destiné à Christiane Taubira financé en un temps record et au-delà de toute espérance, aux 110 000 euros réunis par exemple pour le développement d'un jeu-vidéo. Ces chiffres font rêver les petits ou grands entrepreneurs en mal de crédit, et si l'on croit les rapports annuels des très rares bureaux d'études spécialistes de cette nouvelle économie, tous les espoirs sont permis. Massproduction, vient de publier un rapport très optimiste de l'actuelle explosion du crowdfunding. Selon Massproduction, plus d'un million de campagnes d'appels de fonds par crowdfunding ont levé 2,7 milliards de dollars en 2012, une augmentation de 81 pour cent par rapport à 2011, et ce marché devrait doubler encore en 2013. L'étude s'est basée sur 308 plateformes en ligne de financement participatif, mais 95 pour cent de ces projets et fonds s'échangent aux Etats-Unis et en Europe. Le système, qui confie à l'entrepreneur lui-même le soin de faire sa publicité sur les réseaux sociaux et de fédérer au-delà de son cercle, privilégie les experts des réseaux sociaux et est soumis à de très capricieux phénomènes de mode et à un univers encore étranger aux besoins de l'entreprise non culturelle. Clubic a publié une enquête soulignant que sur le site américain du grand crowdfunding aux Etats-Unis, Kickstarter, 82 000 projets ont été présentés depuis 2009 mais seulement 35 000 ont été financés. Clubic a aussi rassemblé des témoignages d'entrepreneurs venus chercher des capitaux pour des projets non culturels, mais industriels, qui se sont heurtés à des déboires ou à un flop complet. Et pourtant, de plus en plus de petites entreprises cherchent et trouvent parfois leur capital initial grâce aux crowdfunding. Encore cantonné à la «finance solidaire» pour de très petites entreprises ou commerces, le nouveau mécanisme souffre avant tout, pour passer à la vitesse supérieure et offrir une alternative aux banques, de l'absence d'un cadre législatif français ou européen qui le reconnaisse. Aux Etats-Unis, le Jumpstart your business Act a été voté en 2012 et permet aux petites entreprises de recourir à ce type de financement pour trouver un capital de départ. Un manifeste pour une reconnaissance du crowdfunding a été présenté aux instances européennes, avec quelques vagues promesses. Le site Le Monde du droit a récapitulé tous les obstacles qui s'opposent pour l'instant à ce qu'il devienne une vraie alternative pour les créateurs d'entreprises. «Deux difficultés principales sont identifiables : la question du monopole des activités bancaires et celle de l'offre d'épargne au public. Dans les deux cas, les réglementations existantes, destinées à protéger l'emprunteur ou l'investisseur, brident les initiatives ou obligent les acteurs de la finance participative à recourir à des structurations peu adaptées». Mais...sous la pression de la crise bancaire et des entrepreneurs, les institutions et les monopoles commencent à bouger. Le Monde du droit signale que l'AMF et l'ACP ont annoncé publier prochainement un communiqué de presse commun indiquant les limites dans lesquelles ces activités doivent s'exercer en France. L. H. In atlantico.fr