De notre correspondant à Constantine A . Lemili Il n'existe certainement pas de Constantinois qui ne connaissent le «Remblai», ce chemin de chinage où les badauds ne peuvent s'empêcher d'acheter n'importe quoi, autant que celui qui s'y rend habituellement pour y trouver un truc bien précis. Ainsi n'est-il pas exclu que tout nouveau visiteur soit étonné, dans ce véritable bric-à-brac, de la disponibilité d'un Dalloz qui daterait du début du siècle comme d'un gros volume de médecine, véritable grimoire, en passant par une console Nintendo déglinguée et ayant peu servi. En fait, une grande partie des objets disponibles est d'origine douteuse, pour ne pas dire qu'elle est le produit d'un vol, dont les prix fixés défient l'entendement. Le vendeur préférant liquider dans l'urgence une marchandise compromettante. Le prix proposé à la vente d'un produit, bien trop élevé par rapport à sa valeur réelle, peut être réduit de 10 fois celui initialement prononcé, pour peu que l'acheteur s'arc-boute sur sa proposition. Evoqué devant des personnes âgées, rares sont celles qui peuvent affirmer que le «Remblai» n'existait pas aussi loin que peut le permettre leur mémoire. C'est dire qu'il n'a pas d'âge en réalité ou du moins qu'il ne peut être daté «D'ailleurs, peut-il ou a-t-il besoin de l'être puisqu'il autorise chacun de nous à se souvenir que Constantine dispose d'un endroit exceptionnel, lequel, même s'il n'est pas classé, tel que cela se fait pour un lieu touristique, n'en demeure pas moins un endroit que nous jalousons parce qu'il est une partie de nous-mêmes, un repère.» Ce repère devrait toutefois disparaître avec les projets portant réaménagement de la ville dans le cadre d'une opération sectorielle de grande envergure déjà engagée par la réhabilitation de l'avenue des frères Kerkeri et qui devrait s'étendre jusqu'aux berges du Rhummel. Un projet pharaonique décidé au nom de la modernisation de la ville et qui, malheureusement, vient l'amputer d'une partie de sa mémoire, laquelle pourrait pourtant être préservée. Il suffirait pour cela que les décideurs réfléchissent aux voies et moyens de maintenir en activité le lieu de chinage qu'est le «Remblai». En attendant, tous les jours que Dieu fait, il ne désemplit pas et garde, jusqu'à preuve contraire, sa vocation de lieu où tout le monde trouve son compte et surtout l'objet qu'il recherche. Car, il est incontestable que quiconque qui s'y rend ne revient jamais bredouille.